Martin Fourcade lors de sa remise des médailles du relais mixte, le 20 février à Pyeongchang. / MURAD SEZER / REUTERS

Pour Martin Fourcade, la question est tranchée : la Russie doit pouvoir réintégrer le concert des nations olympiques à l’issue des Jeux de Pyeongchang, durant lesquels ses athlètes ont dû concourir sous pavillon neutre en raison de la manipulation du système antidopage à Sotchi, en 2014.

« Les fans russes, les amoureux du sport russe, les athlètes russes qui sont à Pyeongchang ne sont pour rien dans le système de dopage organisé. Donc oui, je suis favorable à ce qu’on leur permette de défiler derrière leurs drapeaux », a-t-il dit au Monde samedi 24 février, lors d’un entretien réalisé au lendemain de sa dernière épreuve olympique.

La question de la suspension de la Russie pour dopage organisé, qui pourrait être levée dès dimanche lors de la cérémonie de clôture, empoisonne le dernier week-end des Jeux olympiques. Le Comité international olympique (CIO) semblait se diriger vers une réintégration du comité russe jusqu’à l’annonce vendredi 23 février du contrôle positif d’une deuxième athlète russe.

« La Russie ne doit pas être le souffre-douleur de l’antidopage »

Des traces de trimétazidine, un modulateur métabolique interdit, ont été trouvées dans les urines de la spécialiste du bobsleigh Nadezdha Sergeeva, 12è de l’épreuve de bob à deux. Samedi, elle avait déjà renoncé à son droit à ouvrir l’échantillon B et rendu son accréditation olympique. Avant elle, le curleur Alexander Krushelnitsky, médaillé de bronze dans l’épreuve du curling mixte, avait été contrôlé positif au meldonium. Après avoir crié au complot, il avait renoncé à contester sa sanction devant le Tribunal arbitral du sport (TAS).

Samedi matin, lors de la conférence de presse quotidienne du CIO, son porte-parole Mark Adams s’est révélé incapable de dire si la décision serait prise par la commission exécutive, qui se réunissait en fin de journée, ou par la session réunissant tous les membres de l’instance, le lendemain matin.

Le curleur russe Aleksandr Krushelnitckii, contrôlé positif au meldonium, a perdu sa médaille de bronze ainsi que le reste de l’équipe russe de curling mixte. / WANG ZHAO / AFP

Pour Martin Fourcade, ce deuxième contrôle positif des « athlètes olympiques de Russie » ne doit pas empêcher la levée de la suspension.

« Les personnes qui sont punies par cette sanction symbolique ne sont pas celles qui ont mis en place ce système. C’est très dur pour eux. S’ils ont là, c’est qu’ils ont prouvé qu’ils n’avaient rien à voir avec le dopage organisé de Sotchi. A l’inverse, je trouve qu’il n’y a pas eu assez de sanctions contre ceux qui ont organisé le dopage à Sotchi », dit le Français.

« Je suis favorable à ce que les Russes retrouvent leur fierté. Cette sanction avait valeur d’exemple, elle était remarquable par sa dureté. Mais la Russie n’a pas le monopole du dopage et ne doit pas être le souffre-douleur de la lutte antidopage. »

Pas de boycott des finales de la Coupe du monde

Martin Fourcade a été, depuis 2016, parmi les plus virulents détracteurs de sa propre fédération internationale, l’IBU, dont il déplorait le manque de réactivité. En dépit des sanctions ayant frappé le sport russe, et de la recommandation de l’Agence mondiale antidopage de ne pas organiser d’événements internationaux dans le pays, l’IBU a maintenu la tenue des finales de Coupe du monde en Russie, à Tioumen (Sibérie occidentale).

La fédération russe est particulièrement influente au sein de l’IBU, dont le premier vice-président est l’ancien biathlète russe Victor Maygurov.

Plusieurs pays ont annoncé leur intention de boycotter les finales de la Coupe du monde : le Canada, la République tchèque et les Etats-Unis. Le Suédois Sebastian Samuelsson, révélation de ces JO (médaille d’argent en poursuite et médaille d’or en relais masculin), a dit espérer que son pays en ferait de même.

Ce n’est pas dans les intentions de Martin Fourcade, qui y jouera un septième gros globe de cristal consécutif face au Norvégien Johannes Boe, qu’il devance d’une courte tête aux trois quarts de la saison.

« Il m’est difficile de répondre, dit-il au Monde. Mais on ne doit pas priver le peuple russe d’assister à ces finales. La question n’est pas de savoir s’il faut aller en Russie ou pas : j’adore ce pays, j’ai des souvenirs magnifiques là-bas et j’ai envie d’y défendre mon globe du classement général de la Coupe du monde. Donc j’irai. Après, est-ce qu’il y aurait eu d’autres destinations plus diplomatiques de la part de l’IBU ? C’est certainement le cas. Mais je ne suis pas décisionnaire. »

Selon la fédération américaine de biathlon, plus de 30 athlètes provenant de huit pays différents, parmi lesquels trois champions olympiques de Pyeongchang, ont écrit à l’IBU pour leur demander de renoncer à ces finales de Coupe du monde à Tioumen. Martin Fourcade n’a pas souhaité préciser s’il en faisait partie.