La nomination de Martin Selmayr a été annoncée de manière très inhabituelle, mercredi 21 février au matin, par Jean-Claude Juncker, le président de la Commission européenne. / JOHN THYS / AFP

Les polémiques s’enchaînent à la Commission européenne. La semaine dernière, l’institution était contrainte de reconnaitre que son ex-président, José Manuel Barroso, parti faire du conseil chez Goldman Sachs, avait approché un de ses vice-présidents, le commissaire finlandais Jyrki Katainen pour une mission de lobbying. Le Portugais s’était pourtant engagé à ne plus contacter la Commission, quand son recrutement avait défrayé la chronique.

Ces derniers jours, c’est la promotion éclair de Martin Selmayr, le directeur de cabinet de Jean-Claude Juncker, au poste-clé de secrétaire général de la Commission – le vrai chef de cette administration de plus de 30 000 fonctionnaires –, qui agite la « bulle » bruxelloise. Cette nomination a été annoncée de manière très inhabituelle, mercredi 21 février au matin, par le président de la Commission lui-même, après que le collège des commissaires, quelques minutes plus tôt, avait été mis devant le fait accompli.

L’Allemand de 47 ans a t-il brûlé les étapes pour accéder à cette charge, que seuls six fonctionnaires avant lui ont occupé depuis les débuts de l’institution, et alors que seuls des directeurs généraux et/ou directeurs généraux adjoints peuvent prétendre au poste ? M. Selmayr a été nommé secrétaire général adjoint le 21 février. Quelques instants plus tard, Alexander Italianer, l’actuel titulaire du poste, confirmait son départ à la retraite, et dans la foulée, l’Allemand obtenait sa place.

Surnommé « le monstre » par M. Juncker

Assailli de questions par les média bruxellois, Alexander Winterstein, porte-parole de la Commission a assuré, lundi 26 février, que « tout s’est fait en accord avec l’esprit et la lettre des règles ». Sans complètement convaincre : Sven Giegold, influent eurodéputé vert allemand, a quand même réclamé, lundi, une « enquête parlementaire » sur cette nomination express.

La personnalité de M. Selmayr n’est pas non plus étrangère aux critiques. Ce brillant juriste de formation n’a rejoint la Commission européenne qu’en 2004, d’abord comme porte-parole de la commissaire luxembourgeoise Viviane Reding, puis comme son chef de cabinet. Surnommé « le monstre » par M. Juncker, en référence à sa capacité de travail et à sa réputation de fonctionnaire sans états d’âme, il a pris l’habitude de parler d’égal à égal avec certains chefs d’Etat. Aussi mal vu à Berlin qu’à Paris, au poste de secrétaire général il pourrait encore davantage imposer son agenda.

Sa nationalité alimente aussi la polémique : avec sa nomination, effective au 1er mars, les Allemands renforcent un peu plus leur domination à Bruxelles. La diplomate Helga Schmid est secrétaire générale du service européen d’action extérieure, Klaus Welle remplit la même fonction au Parlement européen. Au Conseil, c’est un Danois, discret mais efficace, Jeppe Tranholm-Mikkelsen, qui occupe cette charge. Aucun Français n’occupe l’un de ces postes essentiels du pouvoir communautaire.