Un TER en gare de Sarlat (Dordogne), le 20 février. / MEHDI FEDOUACH / AFP

Le gouvernement doit dévoiler lundi 26 février sa stratégie pour conduire la réforme à haut risque du rail et de la SNCF, et notamment dire s’il compte légiférer par ordonnances, un passage en force que les syndicats considéreraient comme une déclaration de guerre.

Lundi matin, le premier ministre, Edouard Philippe, devrait préciser « les questions de méthode et de calendrier » et « les grands axes » de sa réforme. Il doit notamment expliquer comment il compte s’y prendre pour préparer l’ouverture à la concurrence, transformer la SNCF et reprendre éventuellement une partie de sa lourde dette.

« On a des éléments de statuts et une gestion de l’entreprise qu’il faut adapter », a déclaré samedi Emmanuel Macron à un salarié de la SNCF inquiet qui l’avait interpellé lors de l’inauguration du Salon de l’agriculture, à Paris. « Je ne peux pas avoir d’un côté des agriculteurs qui n’ont pas de retraite et de l’autre avoir un statut cheminot et ne pas le changer », a souligné le président de la République. « Vous n’avez pas le même rythme que mon grand-père qui était cheminot », a-t-il encore dit, tout en assurant ne pas vouloir « tout casser ».

Menace de « conflit majeur »

La fin du statut de cheminot pour les nouveaux embauchés, à l’exemple de ce qui a déjà été fait pour La Poste et Orange, fait partie des idées envisagées par l’ex-patron d’Air France, Jean-Cyril Spinetta, dans le rapport qu’il a rendu le 15 février au gouvernement, et très critiqué par les syndicats de cheminots.

Ces derniers n’appellent pour l’instant qu’à une manifestation le 22 mars, mais ils ont convenu de se concerter mardi, après les annonces de Matignon. Les fédérations CGT, UNSA, SUD-Rail et CFDT ont déjà menacé le gouvernement d’un « conflit majeur » s’il choisissait la voie des ordonnances, comme pour la loi travail, afin de faire passer tout ou partie de son projet.

Le gouvernement doit de toute façon aller vite sur une partie du dossier, car le « quatrième paquet ferroviaire » européen, qui prévoit l’arrivée de la concurrence sur les rails, doit être transcrit dans le droit français avant le 25 décembre.

« Ce que veut faire le gouvernement, c’est-à-dire passer en force sans discussions, sans mettre le doigt sur les véritables problèmes, eh bien cela risque d’envenimer les choses », a prévenu dimanche sur France 3 le secrétaire général de la CGT, Philippe Martinez.

« Je défie qui que ce soit de me dire que le problème de la SNCF, le problème des trains en retard, le problème des trains annulés et des voies qui sont mal entretenues c’est à cause du statut des cheminots », a fustigé le syndicaliste, imputant ces « problèmes » aux « gouvernements successifs qui ont privilégié » les lignes à grande vitesse ou délaissé les embauches.

Parmi ses 43 propositions au gouvernement, M. Spinetta suggère aussi que la société publique puisse lancer temporairement des plans de départs volontaires. Et en cas de passage de certaines lignes à la concurrence – ce qui pourrait être possible pour les TER dès la fin 2019 –, il estime que les personnels devraient être transférés chez les nouveaux exploitants (sans toutefois perdre la plupart de leurs avantages).

Fermeture des « petites lignes »

Concernant le statut de la SNCF, le rapport Spinetta propose que ses deux principales composantes, SNCF Mobilités et SNCF Réseau, soient transformées en sociétés anonymes à capitaux publics – comme l’était la SNCF avant 1982 –, de façon à ne plus bénéficier automatiquement de la garantie illimitée de l’Etat. Pour l’ancien patron d’Air France, l’Etat devrait aussi reprendre « une part » de la très lourde dette de SNCF Réseau (46,6 milliards d’euros à la fin 2017).

Il suggère par ailleurs de « recentrer le transport ferroviaire sur son domaine de pertinence : les transports du quotidien en zone urbaine et périurbaine, et les dessertes à grande vitesse entre les principales métropoles ». Avec une conséquence qui a fait couler beaucoup d’encre ces derniers jours : la fermeture des « petites lignes » dont la remise à niveau coûterait trop cher.

Matignon a déjà répondu sur ce point qu’on agirait au cas par cas, en concertation avec les régions.

Lire l’éditorial du « Monde » : SNCF : le pari de la réforme