Des habitants sortent des abris et tentent de se ravitailler à Arbin, dans l’enclave rebelle de la Ghouta orientale, près de Damas, le 25 février. / ABDULMONAM EASSA / AFP

Moins de bombardements aériens, plus de combats au sol : c’est le bilan des premières vingt-quatre heures, dans la Ghouta orientale, au lendemain de l’adoption par le Conseil de sécurité des Nations unies (ONU), samedi 24 février, d’une résolution appelant à une trêve d’un mois. Comparée au déluge d’acier qui s’est abattu sur cette banlieue rebelle de Damas depuis le 18 février, fatal à plus de 500 habitants, la journée de dimanche a été marquée par une relative désescalade.

Selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme, les frappes des forces pro-régime ont fait quatorze morts, tous civils, ce qui constitue le bilan quotidien le moins élevé de la semaine écoulée. Parmi ces victimes figure un enfant, décédé par asphyxie, à la suite d’une possible attaque au gaz chloré, un agent chimique que l’armée régulière a utilisé à de nombreuses reprises par le passé.

Selon le « gouvernement » de l’opposition syrienne, basé à Gaziantep (Turquie), cette attaque, qui s’est produite dans la localité de Shayfouniyah, a causé dix-sept autres cas de suffocation, rapidement soignés pour la plupart. « Une odeur de chlore se dégage des vêtements et de la peau de la plupart des patients. Beaucoup ont des difficultés respiratoires et des irritations au niveau des yeux et de la peau », a confié un médecin de la Ghouta orientale à l’Agence France-Presse.

Prémices d’une grande offensive terrestre

Parallèlement à ces raids aériens, les troupes pro-gouvernementales ont donné leurs premiers véritables coups de boutoir dans la citadelle rebelle depuis le début du mois. De violents accrochages se sont déroulés en au moins deux endroits de la ligne de front : près de Nashabiyah, un bourg agricole à la pointe sud-est de la Ghouta orientale ; et en lisière de Harasta, une ville au nord-ouest de la poche rebelle.

Un adolescent nettoie un appartement endommagé à Douma, le 25 février. / BASSAM KHABIEH / REUTERS

Les médias pro-régime assurent que l’armée syrienne s’est emparée de Nashabiyah, ce que Jaysh Al-Islam (l’Armée de l’Islam), le groupe armé salafiste qui tient ce secteur, dément formellement. Celui-ci affirme avoir non seulement repoussé l’assaut, mais fait aussi plusieurs prisonniers dans les rangs de ses adversaires.

La zone de Nashabiyah, séparée des autres villes de la Ghouta orientale par de vastes étendues de terres, difficiles à défendre, constitue un verrou stratégique : s’il saute, les combattants loyalistes pourraient franchir rapidement la dizaine de kilomètres qui les séparent de Douma, la capitale de la Ghouta orientale.

Difficile de savoir si ces attaques avaient simplement pour but de tester les défenses rebelles, avant une suspension des combats, ou bien s’il s’agit des prémices de la grande offensive terrestre promise depuis plusieurs jours par la presse officielle syrienne, auquel cas la trêve, comme beaucoup d’autres avant elle, serait mort-née. Le régime de Damas, comme son allié iranien, a accepté la résolution du bout des lèvres, affirmant qu’il poursuivrait ses opérations contre les « terroristes », l’appellation qu’il donne à tous ses opposants.

Un argument supplémentaire contre Moscou

Les deux principaux groupes rebelles de la région, Jaysh Al-islam et Faylaq Al-Rahmane (la Légion du tout miséricordieux), une formation sans idéologie très marquée, ont endossé le texte onusien de manière plus franche. Celui-ci les oblige à cesser les tirs de mortier sur Damas, qui ont fait dix-sept morts depuis le 18 février. Le calme est revenu dimanche dans les quartiers est de la capitale, adjacents à la Ghouta orientale, où une partie des écoles, fermées ces derniers jours, ont rouvert.

Selon nos informations, les deux groupes rebelles réfléchissent à une déclaration commune dans laquelle ils sommeraient officiellement Hayat Tahrir Al-Cham, un groupe issu d’Al-Qaida, classé « terroriste » par l’ONU, d’évacuer ses combattants de l’enclave, au nombre de quelques centaines. Cette initiative, si elle se concrétise, pourrait offrir aux capitales occidentales un argument supplémentaire dans leur bras de fer avec Moscou.

Cela suffira-t-il à ce que Damas renonce à reconquérir la Ghouta orientale ? Les anti-Assad ne se font guère d’illusions. Ils voient dans le soutien de la Russie à la résolution une simple manœuvre, destinée à faire retomber la pression internationale. Les insurgés se doutent que dans le meilleur des cas, ils n’ont gagné qu’un sursis d’un mois.

La Ghouta orientale, au cœur du conflit syrien

Ancien « poumon vert » de Damas, situé à l’est de la capitale de la Syrie, la Ghouta orientale est un fief rebelle qui fait, depuis 2013, l’objet de bombardements quasi quotidiens.

Cette année-là, le conflit prend un nouveau tournant dans la zone avec des attaques chimiques dans les alentours de Damas ; en mai, les journalistes du Monde sur place sont les premiers à être témoins d’attaques chimiques lancées à l’entrée de la capitale durant plusieurs jours. Mais c’est surtout lors d’un massacre durant la nuit du 21 août de la même année que ces armes sont utilisées massivement.

A partir de 2015, des dizaines de civils sont affectées par les pénuries de nourriture et de médicaments.

Depuis l’été 2017, la région est censée être une des « zones de désescalade » créées en vertu d’un accord entre la Russie, l’Iran — principaux soutiens du régime — et la Turquie, qui appuie l’opposition. Mais les bombardements n’ont jamais cessé. Le 5 février, le régime lance une offensive aérienne d’une intensité inédite.