Le centre d’opérations de RTE, lundi 26 février, à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis). / GERARD JULIEN / AFP

De la neige en Provence, des vents glaciaux à Paris, du froid dans tout le pays : pour faire face à cette inhabituelle vague venue de Sibérie, les Français montent la température de leurs radiateurs. Ce réflexe a un effet immédiat sur la consommation d’électricité, qui atteint des niveaux très élevés, particulièrement en fin de journée, entre 18 h 30 et 21 heures.

Le gestionnaire du réseau de transport d’électricité, RTE, assure qu’il n’y a « pas d’inquiétude particulière concernant la sécurité de l’alimentation électrique de la France cette semaine ». Mais la CGT, premier syndicat à EDF, estime que « la fragilité du système électrique » est « anormale ».

  • La France va-t-elle connaître des coupures d’électricité ?

La réponse est non. « Il n’y aura pas de coupure d’électricité, ni pour les ménages ni pour les entreprises », a assuré Brune Poirson, secrétaire d’Etat à la transition écologique et solidaire, lundi 26 février, en visite à RTE.

En France, 72 % de la production électrique est assurée par les centrales nucléaires, 12 % par les barrages hydroélectriques, 10 % par le gaz et le charbon, le reste étant notamment assuré par l’éolien et le solaire.

Selon RTE, ces moyens de production « permettent de couvrir les besoins électriques de la France et offrent des marges suffisantes, sans avoir à recourir à des solutions dites “exceptionnelles” », comme une baisse de la tension, par exemple. Mais pour éviter une surcharge du réseau, la France recourt à deux procédés.

D’une part, l’effacement, qui consiste à réduire ou à reporter de façon volontaire la consommation par certaines entreprises. RTE encourage également les particuliers à être prudents sur leur consommation d’électricité et à modérer leurs usages. Et recommande d’éteindre la lumière dans les pièces inoccupées et de modérer sa consommation durant les heures de pointe, le matin et autour de 19 heures.

D’autre part, les importations, qui permettent d’acheter de l’électricité produite dans d’autres pays européens.

  • Pourquoi le pays est-il si sensible aux vagues de froid ?

La France est, de très loin, le pays européen le plus sensible aux températures négatives. En cause, le nombre très important de radiateurs électriques et l’isolation insuffisante d’une partie des bâtiments anciens. Le schéma est toujours le même : plus la température baisse, plus les radiateurs tirent sur le réseau électrique.

« Pour chaque degré franchi au-dessous des normales de saison, c’est comme si on ajoutait l’équivalent de la consommation de Paris intra muros », explique Jean-Paul Roubin, directeur national de l’exploitation à RTE. Exprimé autrement, c’est l’équivalent de deux réacteurs nucléaires qu’il faut mobiliser.

Une spécificité française : Jean-Paul Roubin souligne que la France représente « 50 % de la thermosensibilité européenne ». Nos voisins allemands, par exemple, sont peu équipés en radiateurs électriques et ne connaissent pas le même type d’inquiétudes sur le réseau.

Chaque année, entre décembre et février, le radiateur électrique représente à lui seul 29 % de la consommation.

Mais cette dépendance tend à se réduire depuis quelques années, souligne Pierre Leplatois, analyste à SIA Partners et expert des réseaux électriques. « On commence à voir les effets du changement de réglementation en 2012, les nouveaux bâtiments construits consomment moins », explique-t-il.

  • La France est-elle capable de produire assez d’électricité ?

« Le parc de production français disponible en ce début de semaine couvre tout juste le besoin de consommation. On doit donc importer de l’électricité pour satisfaire nos besoins », dit Jean-Paul Roubin.

La France importe notamment de l’électricité d’Allemagne et d’Espagne pendant les pics de consommation du matin et du soir. Ces deux pays ont des habitudes et des pics de consommation très différents de l’Hexagone.

C’est précisément ce besoin d’importation qui est critiqué par les syndicats à EDF, selon lesquels le système électrique français est au bord de l’implosion. La CGT estime que « l’indépendance énergétique de la France est en danger ». De fait, mardi 27 au matin, entre 6 heures et 7 heures, la France importait quasiment le maximum de ce qu’elle peut importer, tout en mobilisant une grande partie de ses capacités de production.

Mais la situation est bien meilleure que lors du pic de l’hiver 2012 : les températures étaient descendues plus bas encore et, surtout, depuis, la France a installé plusieurs milliers d’éoliennes. « On a une configuration plutôt favorable, assure Pierre Leplatois. Même si le parc nucléaire n’est pas très disponible, on a un appui très important de l’éolien et une grande disponibilité des centrales au gaz. »

Pour éviter des difficultés, EDF a prévu de reporter des opérations de maintenance sur les réacteurs nucléaires de Gravelines (Nord) et du Tricastin (Drôme et Vaucluse) pour les maintenir en production.