Jean-Yves Le Drian, le ministre français des affaires étrangères, avec son homologue russe Sergueï Lavrov, à Moscou, le 27 février 2018. / YURI KADOBNOV / AFP

Le « cessez-le-feu à temps partiel » n’a pas convaincu Jean-Yves Le Drian, le ministre français des affaires étrangères, qui a décrit ainsi la pause quotidienne de cinq heures dans les combats en Syrie décrétée par le Kremlin. Censée entrer en vigueur pour la première fois mardi 27 février, la trêve n’a pas été respectée, notamment dans la Ghouta orientale, près de Damas, où les combats ont repris après une brève accalmie. « Cette proposition n’en représente pas moins une avancée mais il faut étendre sa durée », a souligné le chef de la diplomatie française en visite à Moscou pour discuter de la mise en œuvre de la résolution 2401.

Votée à l’unanimité le 24 février par le Conseil de sécurité de l’ONU, elle exige « sans délai » l’arrêt des combats « pendant au moins trente jours consécutifs » afin de permettre l’évacuation des blessés les plus graves et l’acheminement des aides humanitaires dans cette enclave tenue par la rébellion à l’est de Damas où 400 000 personnes sont assiégées et pilonnées par les forces du régime. « C’est une question de vie ou de mort », a déclaré à Genève Jens Laerke, porte-parole du bureau de la coordination de l’aide humanitaire de l’ONU.

« La Russie est l’un des seuls acteurs internationaux en mesure d’obtenir la mise en œuvre de la résolution onusienne », a rappelé Jean-Yves Le Drian

Prévue depuis un mois, la visite à Moscou du ministre français des affaires étrangères visait à l’origine à préparer celle d’Emmanuel Macron fin mai. Mais la question syrienne, quatre jours après le vote onusien, a été au centre des entretiens entre Jean-Yves Le Drian et son homologue Sergueï Lavrov, définis comme « francs et directs », ce qui, en langage diplomatique, signifie plutôt animés. « La Russie est l’un des seuls acteurs internationaux en mesure d’obtenir la mise en œuvre de la résolution onusienne », a rappelé, dès l’ouverture de la réunion, le ministre français. Encore faudrait-il que le Kremlin veuille exercer « la pression maximale » sur Damas souhaitée par Paris.

Le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, a accusé les rebelles syriens de retenir la population civile en otage et affirme que le corridor humanitaire a été pris pour cible par les rebelles, qui l’ont pilonné au mortier, empêchant les civils de sortir de l’enclave. Des habitants de la Ghouta, ainsi que l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH), rapportent, quant à eux, que des avions et des hélicoptères du régime ont mené des attaques aériennes contre plusieurs localités.

L’objectif de Jean-Yves Le Drian est d’obtenir de son homologue russe des engagements précis pour concrétiser le texte onusien et notamment instaurer « un mécanisme robuste de surveillance » de la trêve. Sergueï Lavrov a admis, lors de la conférence de presse commune, que les « corridors humanitaires » devaient fonctionner dans les deux sens, c’est-à-dire à la fois pour l’évacuation des blessés voire, des civils qui le souhaitent, mais aussi pour l’entrée des convois d’aides.

Trouver une issue politique au conflit.

Ce n’était pas évident au début, Moscou insistant seulement sur les évacuations. Malgré cette concession verbale, nombre d’observateurs estiment que le but de Damas, comme de Moscou, est avant tout de vider l’enclave rebelle. Le ministre russe a d’ailleurs cité l’exemple d’Alep, dont la partie orientale a été reconquise en décembre 2016.

Dans une lettre commune envoyée à la présidence koweïtienne du Conseil de sécurité, les trois principaux groupes rebelles contrôlant la Ghouta orientale, Jaych Al-Islam, Ahrar Al-Cham et Faylaq Al-Rahman, se sont engagés à respecter la résolution 2401 et à expulser de l’enclave sous quinze jours les quelque 250 djihadistes liés à Al-Qaida qui s’y trouvent. Les diplomates français ont plusieurs fois insisté auprès de leurs homologues russes pour qu’ils demandent au régime de reconnaître publiquement le texte onusien. Ces derniers ont, à chaque fois, éludé la question.

Le vote de la résolution 2401 par la Russie qui, à onze reprises, avait opposé son veto à des résolutions sur la Syrie et aurait pu cette fois seulement s’abstenir, n’en ouvre pas moins une fenêtre d’opportunité pour relancer le processus de négociation et trouver une issue politique au conflit. « La fenêtre ouverte est très petite, mais nous n’avons pas le droit de ne pas jouer cette carte », affirme-t-on à Paris tout en soulignant que la principale urgence est humanitaire et que la suite dépend de la possibilité d’imposer réellement un cessez-le-feu.

Une semaine sous les bombardements du régime syrien