Jan Jenisch, le nouveau directeur général de LafargeHolcim, a présenté les résultats du cimentier à Zurich en Suisse, vendredi 2 mars. / ARND WIEGMANN / REUTERS

La reprise en main de LafargeHolcim se poursuit. Après avoir remanié et réduit la taille de son comité directeur à l’automne, Jan Jenisch, le nouveau directeur général du numéro un mondial du ciment, a passé les comptes du groupe à la paille de fer. Conséquence, le cimentier franco-suisse replonge dans le rouge, comme en 2015 après le rachat de Lafarge par Holcim.

Vendredi 2 mars, la direction a annoncé pour 2017 une perte nette de 1,7 milliard de francs suisses (1,47 milliard d’euros), après un bénéfice de 1,8 milliard en 2016, pour un chiffre d’affaires de 26,1 milliards, lui-même en retrait de près de 3 % sur un an. Les investisseurs n’ont pas apprécié : dans la matinée, l’action perdait plus de 4 % à l’ouverture de la cotation à la Bourse de Paris.

Opération vérité

Cette perte s’explique par l’opération vérité lancée sur les comptes du groupe après le départ de ses anciens dirigeants, le Français Bruno Lafont et l’Américain Eric Olsen, emportés, notamment, par le scandale du comportement du cimentier Lafarge en Syrie.

En juin 2016, Le Monde avait révélé que le cimentier avait maintenu l’activité de son usine installée à Jalabiya, dans le nord de la Syrie, en dépit de la guerre et, que pour ce faire, il avait accepté de verser 5,6 millions de dollars (4,5 millions d’euros) à des groupes armés, dont plus de 500 000 dollars à l’organisation Etat islamique.

Cette page semble désormais tournée. Après avoir engagé une revue détaillée de ses activités « tenant compte des risques politico-économiques des pays et de l’évolution de la dynamique des marchés », pas moins de 3,8 milliards de francs suisses de dépréciations d’actifs ont été décidées. Selon le cimentier, « deux tiers des dépréciations ont concerné l’Algérie, la Malaisie, l’Irak, le Brésil, l’Indonésie et l’Egypte ».

« Pas d’impact financier négatif significatif »

Sur le dossier syrien, Jan Jenisch estime qu’il n’y a aucun risque financier. « Sur la base des informations actualisées disponibles aujourd’hui, rien n’indique que les allégations dont il a été fait état sont susceptibles d’avoir un impact financier négatif significatif sur le groupe », confirme l’entreprise.

En 2017, LafargeHolcim a réalisé « une excellente année, tant en matière de ventes que de résultats opérationnels », a assuré le nouveau patron lors d’une conférence téléphonique vendredi matin. Hors cession d’actifs, assure le groupe, le chiffre d’affaires aurait progressé de près de 5 %, tandis que le résultat opérationnel a décollé de 6 %.

Cependant, tout ne va pas bien pour le cimentier. La seule zone géographique où le groupe est à la peine est l’Asie-Pacifique, son premier marché mondial. Si les opérations en Inde et en Chine sont très rentables, ce n’est pas le cas de l’activité du groupe en Asie du Sud-Est, notamment en Malaisie, Indonésie et aux Philippines. Cela se traduit par une chute de 9,5 % du chiffre d’affaires (7,4 milliards de francs suisses) dans cette région et de 11 % de son résultat opérationnel. Partout ailleurs (Europe, Amérique du Nord, Amérique latine, Moyen-Orient-Afrique), l’activité et les résultats opérationnels sont orientés à la hausse.

Afin de tourner la page des années de fusion et du dossier syrien, le nouveau directeur général Jan Jenisch a par ailleurs dévoilé un nouveau plan stratégique pour le cimentier à l’horizon 2022. L’objectif est d’atteindre une croissance de 3 à 5 % du chiffre d’affaires et de son résultat opérationnel. Si le groupe y parvient, il fera près de deux fois mieux que la croissance du marché des matériaux, attendue en croissance à 2 à 3 % par an.

De nouvelles « acquisitions ciblées »

M. Jenisch entend à la fois serrer les coûts et faire progresser son activité. Ainsi, à l’image d’autres grands groupes, le nouveau patron entend simplifier l’organisation de la multinationale. Après avoir réduit le nombre de dirigeants à son comité de direction, LafargeHolcim prévoit de réduire ses frais généraux de 400 millions de francs suisses par an. Deux sièges régionaux, à Singapour et à Miami, seront aussi fermés mi-2018.

Par ailleurs, « nous doterons nos dirigeants de chaque pays d’une plus grande autonomie », précise M. Jenisch. « Les 35 plus gros marchés rapporteront directement à la direction du groupe et des responsables de compte de résultat seront nommés localement pour les 4 segments d’activités de l’entreprise », précise LafargeHolcim.

Pour croître, le groupe envisage de nouvelles « acquisitions ciblées et génératrices de valeur afin d’augmenter les effets d’échelle et les marges », car, explique le directeur général, « le marché des matériaux, évalué dans le monde à 2 500 milliards de francs suisses, reste très fragmenté et nous aurons de nombreuses opportunités d’achat, et ce dans le monde entier. En février, nous avons, par exemple, racheté le britannique Kendall Group. » Cette société, qui réalise 28 millions d’euros de chiffre d’affaires, est spécialisée dans les granulats et béton prêt-à-l’emploi. Justement, le groupe entend « mettre en œuvre des stratégies plus agressives dans les granulats et le béton prêt-à-l’emploi, en parallèle de ses solides activités dans le ciment », ajoute M. Jenisch.

Les actionnaires ne seront pas mis à contribution

Pour financer cette croissance, Jan Jenisch a prévenu qu’il n’est pas question de mettre à contribution ses actionnaires, dont les milliardaires Thomas Schmidheiny, Paul Desmarais ou Nassef Sawiris.

Au contraire, assure-t-il, « la croissance sera financée par la cession de certains actifs au cours de l’année 2019 pour un montant d’au moins 2 milliards de francs suisses. Les investissements seront limités à 2 milliards de francs suisses par an. ». Les moyens dégagés excédentaires seront rendus aux actionnaires, via le versement d’un dividende.