Pietro Grasso, ancien président du Sénat, est aujourd’hui à la tête de la formation de gauche anti-Renzi, Libres et égaux, le 1er mars, à Rome. / Luigi Mistrulli / AP

Depuis près de deux semaines, les sondages sont interdits en Italie. Mais nul besoin d’être prophète pour deviner que le résultat des élections des députés et des sénateurs, dimanche 4 mars, sera serré. En raison, d’abord, d’un système électoral remanié, qui allie proportionnelle et scrutin majoritaire. Mais aussi et surtout parce que l’échiquier politique est fragmenté, et a vu émerger des coalitions fragilisées par des intérêts dissonants.

Des favoris aux outsiders, tour d’horizon des personnalités qui ont marqué la campagne, et parmi lesquelles pourraient figurer le futur premier ministre et les futurs poids lourds d’un gouvernement.

  1. Luigi di Maio, le dauphin
  2. Matteo Renzi, l’homme que l’Italie aime détester
  3. Silvio Berlusconi, l’éternel revenant
  4. Matteo Salvini, l’extrême droite décomplexée
  5. Pietro Grasso, le frondeur
  6. Emma Bonino, la pasionaria
  7. Giorgia Meloni, la sulfureuse
  • Luigi di Maio, le dauphin

Luigi Di Maio, leader du mouvement 5 étoiles, à Naples, le 12 février. / CIRO DE LUCA / REUTERS

A 31 ans, Luigi Di Maio, le candidat du Mouvement 5 étoiles (M5S), tranche avec Beppe Grillo, le comique fondateur du M5S, qui a pris ses distances. Ce Napolitain incarne le visage rassurant du parti contestataire, né en opposition aux affaires de la vieille classe politique, et devenu le premier parti italien dans les sondages (entre 27 % et 29 % des intentions de vote).

Le dauphin entend marquer cette élection, fort d’un vote en ligne à travers lequel les militants du M5S l’ont choisi à 82 % pour être candidat au poste de premier ministre. Un score insolent que ses détracteurs attribuent à l’absence de réelle concurrence, rappelant que Luigi Di Maio, surnommé « Louis le subjonctif », pour ses fautes de grammaire assumées, n’a pour expérience professionnelle que celle d’agent de sécurité dans le stade San Paolo de Naples.

Fils d’un ancien dirigeant du Mouvement social italien, parti néofasciste aujourd’hui dissous, Luigi Di Maio réfute le terme de populiste, qu’il juge péjoratif pour qualifier le M5S. Cet ancien étudiant en droit — jamais diplômé — assure ne pas vouloir d’une Italie extrémiste ou antieuropéenne.

Lire aussi un entretien avec Luigi Di Maio  : « Le Mouvement 5 étoiles est pro-européen »

Au risque de froisser l’aile orthodoxe du mouvement, il a assagi son discours sur la sortie de l’euro, qui n’est plus d’actualité, et a recentré son programme sur les jeunes, avec notamment l’instauration d’un revenu universel mensuel de 780 euros. Surtout, les alliances avec d’autres partis ne sont plus totalement exclues.

  • Matteo Renzi, l’homme que l’Italie aime détester

L’ancien premier ministre Matteo Renzi, le 27 février, à Rome. / Ettore Ferrari / AP

D’abord, il a été l’enfant chéri de la politique italienne. Mais l’ancien chef du gouvernement au tempérament bouillonnant s’est mis presque tout le pays à dos. Et le Parti démocrate (PD, centre gauche) — dont M. Renzi, 43 ans, est toujours le secrétaire général —, ne cesse de chuter, atteignant les 22-23 % d’intentions de vote, contre 40 % en 2014.

Arrivé à la tête du PD à la fin de 2013, alors qu’il n’était que maire de Florence, il promettait de « mettre à la casse » les caciques de son parti. Son impopularité semble liée à une personnalité jugée souvent arrogante et un brin autoritaire. Il y a aussi ces promesses trahies, et les affaires qui ont éclaboussé son parti. Son projet de réforme constitutionnelle avait été rejeté sans appel lors d’un référendum en décembre 2016, le poussant un départ anticipé du poste de premier ministre.

Dynamique, ambitieux, « assoiffé de pouvoir », selon certains, Matteo Renzi n’a pas grillé toutes ses cartes. Un temps allié avec Silvio Berlusconi sur la réforme des institutions, il pourrait le retrouver dans le cadre d’une grande coalition « à l’allemande », en cas d’absence de majorité claire à l’issue du scrutin.

  • Silvio Berlusconi, l’éternel revenant

Silvio Berlusconi lors d’un metting à Rome, jeudi 1er mars. / ALESSANDRO BIANCHI / REUTERS

Au cours des vingt-cinq dernières années, son histoire se confond avec celle de l’Italie. A 81 ans, le « Caïman » retrouve le devant de la scène après avoir pourtant été enterré politiquement un nombre incalculable de fois. « Je suis comme le bon vin, en vieillissant je m’améliore, et maintenant je suis parfait », a tweeté récemment l’inénarrable ex-Cavaliere.

En 2017, la longue litanie de ses déboires judiciaires a abouti à une première condamnation définitive, pour fraude fiscale. Silvio Berlusconi en a également gardé une inéligibilité qui lui interdit toute fonction publique jusqu’en 2019.

Lire notre récit de la ré-émergence de Silvio Berlusconi : Silvio Berlusconi, inéligible mais incontournable en Italie

L’« immortel » reste à la tête du parti Forza Italia (« Allez l’Italie »), crédité dans les sondages de 16 % à 18 % des intentions de vote. Il a réussi à former une coalition avec la Ligue du Nord et les Fratelli d’Italia (parti néofasciste) pour une grande coalition de droite.

Si la majorité est acquise, le parti en tête choisira le premier ministre. Silvio Berlusconi a déjà choisi son poulain : Antonio Tajani, le président du Parlement européen.

Lire la tribune d’Antonio Tajani sur l’Europe : « Répondons aux populismes par une Europe des actes »
  • Matteo Salvini, l’extrême droite décomplexée

Matteo Salvini, le 24 février, à Milan. / MIGUEL MEDINA / AFP

Pour cette campagne, Matteo Salvini, entré à 17 ans seulement à la Ligue du Nord, a effacé le mot « Nord » du nom du parti et fait campagne tous azimuts, dans l’espoir de dépasser son allié de droite, Silvio Berlusconi, avec qui il a signé un programme de gouvernement.

Crédité dans les derniers sondages de 12 % à 14 % des intentions de vote, la Ligue est montée en puissance ces dernières semaines, notamment grâce à une campagne dominée par les thèmes de l’immigration et de l’insécurité.

A bientôt 45 ans, Matteo Salvini est né et a grandi dans la capitale lombarde, Milan. En 2004, cet eurosceptique notoire entre au Parlement européen. En 2013, il reprend les rênes du parti, fragilisé par un scandale de détournement de fonds publics — le parti ne dépassera pas 4 % aux législatives de 2013.

Au grand dam d’une frange originelle de la Ligue du Nord, Matteo Salvini change le discours, délaissant les ambitions sécessionnistes au profit d’un discours fédéraliste et anti-Bruxelles. Allié du Front national français, admirateur de Vladimir Poutine et de Donald Trump, il s’en prend avec virulence aux immigrés (qu’il appelle « clandestins »), à l’islam, à l’euro…, sans pour autant partager le centralisme et le caractère, à son goût trop laïque, du parti de Marine Le Pen.

Sur les réseaux sociaux, ce barbu au visage rond martèle son message à ses 640 000 abonnés sur Twitter et plus de 2 millions sur Facebook. Avec un style direct qui ne s’embarrasse pas du politiquement correct, il espère dimanche faire « un coup », et obliger Silvio Berlusconi à lui lâcher davantage que ce qui a été évoqué jusqu’à présent : le ministère de l’intérieur. Lui se rêve chef du gouvernement.

  • Pietro Grasso, le frondeur

Pietro Grasso, ancien président du Sénat, est aujourd’hui à la tête de la formation de gauche anti-Renzi, Libres et égaux, le 1er mars, à Rome. / Luigi Mistrulli / AP

L’Italie aussi a sa fronde parlementaire. Et son chef de file n’est autre que le président sortant du Sénat, Pietro Grasso. A 73 ans, cet ancien magistrat antimafia a décidé de faire sécession du Parti démocrate, en réunissant sous la bannière de Liberi e uguali (« Libres et égaux ») plusieurs mouvements de gauche déçus par le gouvernement.

Crédité de 6 % des intentions de vote, son parti n’est pas anecdotique. Il a mené une campagne donnant la priorité à l’instruction et à la recherche, et misant notamment sur une reconversion écologique d’ampleur.

  • Emma Bonino, la pasionaria

Emma Bonino, dirigeant du parti « Plus d’Europe », le 16 février à Rome. / Domenico Stinellis / AP

Cinq jours après le scrutin du 4 mars, Emma Bonino fêtera ses 70 ans. L’ancienne commissaire européenne et ministre des affaires étrangères figure toujours en bonne place dans le palmarès des personnalités politiques préférées des Italiens. « Cessez de m’aimer autant et votez plus pour moi », a toutefois conseillé cette figure de la gauche italienne, marquée par son combat contre un cancer du poumon diagnostiqué en 2015.

Vétérane des combats pour l’avortement, le divorce, l’objection de conscience ou encore le droit de mourir dans la dignité, elle a plaidé ces derniers mois pour défendre l’intégration des migrants et le projet européen.

Son mouvement, Plus d’Europe, allié au centre gauche de Matteo Renzi, vise le seuil de 3 % pour entrer au Parlement. S’il y parvient, il pourrait poser problème au Parti démocrate, en faisant pression pour qu’il réoriente sa politique.

  • Giorgia Meloni, la sulfureuse

Giorgia Meloni à Rome, le 1er mars. / Domenico Stinellis / AP

L’acmé de sa campagne a eu lieu à Turin, face au directeur du musée des Antiquités égyptiennes de la ville, Christian Greco. Giorgia Meloni, dirigeante du parti d’extrême droite Fratelli d’Italia, protestait avec véhémence contre une réduction offerte aux visiteurs parlant arabe. Cette scène, diffusée largement sur les réseaux sociaux, illustre le style de cette ancienne journaliste de 41 ans, un temps ministre de Silvio Berlusconi.

Son parti, moins fédéraliste que son alliée et rivale la Ligue du Nord, est crédité d’environ 5 % des intentions de vote, grâce notamment au soutien des néofascistes de Forza Nuova et de CasaPound. Ce score pourrait lui garantir une place de choix dans un gouvernement, si la coalition de droite parvient à obtenir la majorité absolue.