La Nintendo Switch et sa manette, façon « console de salon ». Elle peut également s’emporter et s’utiliser de manière nomade. / Nintendo

Déjà un million d’unités vendues en France et presque 15 millions dans le monde : la Switch, qui fête son premier anniversaire samedi 3 mars, a encore une fois réussi à confirmer la capacité de Nintendo à déjouer les pronostics et séduire les joueurs avec des machines originales.

Peu auraient parié sur un bilan aussi positif, après l’échec cinglant de la Wii U, abandonnée en 2016. Mais avec sa successeure, Nintendo a redoublé d’habileté. D’abord avec son concept atypique, celui d’une console modulable aussi bien utilisable sur écran familial qu’en déplacement. Une manière astucieuse d’éviter la double concurrence des smartphones, qui phagocytent le marché du jeu vidéo portable, et des consoles de salon haut de gamme, comme la PlayStation 4 et la Xbox One, contre lesquelles la firme de Kyoto n’a plus la prétention de lutter depuis les années 2000.

Têtes d’affiche

« Super Mario Odyssey », le retour réussi de Mario. / Nintendo

Surtout, plutôt que sur la 4K ou la réalité virtuelle, Nintendo a misé sur l’attachement à ses marques. L’année 2017 restera marquée par la sortie successive d’un nouveau The Legend of Zelda, d’un Mario Kart, et d’un Mario – trois des cinq licences les plus vendeuses de la marque, et un tir groupé inédit dans son histoire. A eux trois, ce sont la bagatelle de 23 millions de jeux qui se sont déjà vendus sur Switch. Il faut y ajouter Splatoon 2 (4,9 millions), suite de la nouvelle licence Nintendo la plus populaire au Japon.

Qui plus est, ces têtes d’affiche ont livré l’un des meilleurs épisodes de leur histoire. C’est vrai de Super Mario Odyssey, retour enthousiasmant de Mario à l’exploration dans des mondes ouverts, et encore plus vrai de The Legend of Zelda : Breath of the Wild, unanimement salué comme un jeu charnière dans l’histoire des mondes ouverts. Leur niveau de finition remarquable a éclipsé au passage quelques expériences moins abouties, comme le jeu de combat Arms, qui n’a guère marqué les esprits, et l’embarrassant 1-2 Switch, démonstration poussive des capacités gadgets de la Switch.

Au-delà des jeux Nintendo, la machine a surtout profité à plein de l’appel d’air créé par la saturation du marché du jeu indé sur Steam. Celeste, Stardew Valley, Golf Story, Shovel Knight, Oxen Free… Son catalogue s’est rapidement rempli d’un grand nombre de perles issues de cette scène débrouillarde et créative, ravie de trouver un nouveau marché pour exister. Certains, comme Celeste, ont d’ailleurs réalisé leurs principales ventes sur Switch, malgré une sortie sur plusieurs autres plates-formes. Ironique, quand on sait que Nintendo maintient une politique de prix élevé sur sa boutique en ligne, avec des soldes au compte-gouttes, quand celles-ci sont massives et généralisées sur Steam.

470 jeux en un an

« The Legend of Zelda : Breath of the Wild », salué par la critique. / Nintendo

Ces jeux viennent s’ajouter à plusieurs sorties de jeux éditeurs-tiers, comme Sonic Mania de SEGA, FIFA 18 d’Electronic Arts, Dragon Ball Xenoverse 2 de Bandai Namco, NBA 2K et L.A. Noire de Take Two ou encore Skyrim, Doom et Wolfenstein : New Order de Bethesda. Des titres offrant une profondeur de catalogue dont la Wii U, la précédente console de Nintendo, n’avait jamais pu bénéficier. Le constructeur japonais récolte les fruits de son positionnement intelligent : une console portable alignée sur les performances de la PlayStation 3 et la Xbox 360 qui permet aux éditeurs d’offrir une seconde vie à leurs franchises à succès, ce que Sony ne leur permet plus depuis l’échec de la PS Vita.

En tout et pour tout, 470 jeux sont ainsi sortis sur Switch en un an. Une ludothèque particulièrement impressionnante, animée avec rythme et vigilance par Nintendo, qui veille à offrir chaque semaine deux nouveautés fortes. Quitte à cacher sous le tapis, parfois, des sorties beaucoup plus médiocres, comme Vroom in the Sky, ou des productions parodiques bas de gamme, comme Superola and the Lost Burgers.

Dans sa frénésie de sorties, la Switch parvient aussi à masquer que son ergonomie ne s’adapte guère à tous les genres – à l’image de ses nombreuses rééditions de jeux de combat en 2D, particulièrement injouables avec la manette par défaut de la console. L’abondance de sorties commence par ailleurs à inquiéter les développeurs, qui craignent que certains jeux tombent rapidement dans l’anonymat, si la boutique en ligne de la Switch continue de se remplir à une vitesse aussi soutenue. Un problème de riche, pour Nintendo, qui sait déjà pouvoir compter sur ses licences comme Pokémon, Metroid et Smash Bros. pour animer les mois et années à venir. Peu effrayé par la prise de risque, le constructeur s’apprête également à commercialiser début avril la première expérience atypique de la Switch, une gamme d’accessoires interactifs à construire avec des modules de carton. Jusqu’à présent, cela paye.