« J’ai suspendu le projet [de rééditer les pamphlets antisémites de Louis-Ferdinand Céline] mais je n’y ai pas renoncé », a affirmé Antoine Gallimard, le PDG de la maison d’édition, qui s’exprime pour la première fois depuis la polémique au Journal du dimanche (JDD), le 4 mars. Il veut offrir « une édition scientifique de ces textes, (…) comme des sources importantes de l’antisémitisme en France ».

« La raison de cette suspension est simple : on ne construit rien de valable dans un incendie, on ne peut pas se faire entendre dans un amphithéâtre en ébullition. »

Il réfute l’idée qu’il aurait été convoqué par le gouvernement en décembre 2017 à ce sujet. « Le terme convocation est inexact, assure-t-il. J’ai reçu une lettre du délégué interministériel à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT, Frédéric Potier, et j’ai choisi de le rencontrer. » Ecoutant les appréhensions du délégué sur une absence de mise en contexte, M. Gallimard lui avait fait savoir que cette réédition des textes serait accompagnée d’un « appareil historique », avec une analyse du professeur d’université Régis Tettamanzi et d’une préface signée de l’écrivain Pierre Assouline.

Un projet polémique

Le projet de rééditer les pamphlets antisémites de Céline (Bagatelles pour un massacre (1937), L’École des cadavres (1938) et Les beaux draps (1941)) avait suscité une vague d’indignation notamment de la part de Serge Klarsfeld, président de l’association Fils et filles de déportés juifs de France.

Antoine Gallimard justifie à nouveau dans le JDD son projet « par goût de la vérité » et la nécessité de montrer « la coexistence du génie et de l’ignoble en un seul homme ». Les textes concernés ont été rédigés par l’auteur du Voyage au bout de la nuit entre 1937 et 1941, et devraient tomber dans le domaine public en 2031 (soit 70 ans après la mort de l’écrivain).

Les pamphlets de Céline ne sont pas interdits en France, mais n’ont pas été réédités depuis la fin de la seconde guerre mondiale. L’écrivain lui-même puis sa veuve, Lucette Destouches, âgée de 105 ans, s’y opposaient. Disponible sur Internet, une édition établie par Régis Tettamanzi existe déjà au Québec depuis 2012.