Documentaire sur France 5 à 22 h 40

Philanthrope, résistante, légionnaire, femmes de cœur, de combat et de passion : c’est ainsi, que l’on pourrait résumer le petit bataillon d’héroïnes que France 5 a choisi d’honorer, dans la « Case du siècle », depuis le 13 février. Date à laquelle a débuté une programmation spéciale, entourant la Journée internationale de la femme, qui se conclura, les 11 et 18 mars, par la diffusion de Simone, Louise, Olympe et les autres, la grande histoire des féministes, de Mathilde Damoisel.

Après les figures d’Anne Morgan et de Madeleine Richou, celle de Susan Travers boucle avec panache et romanesque une trilogie dont le premier mérite est de redonner toute leur place à ces femmes méconnues – voire, comme l’intrépide Anglaise, poussées dans les oubliettes de l’Histoire.

Le tort de Susan Travers ? Avoir eu une liaison adultérine avec le général Kœnig, héros de la bataille de Bir Hakeim. Et qu’importe qu’elle sauvât celui dont elle était le chauffeur, en perçant les lignes ennemies – ouvrant ainsi une brèche aux autres véhicules avant que l’étau allemand ne se referme. Qu’importe qu’elle ait pris part à un acte de résistance dont la gloire va légitimer les Forces françaises libres comme armée régulière.

Sortie sous la mitraille

Dès la fin de la guerre, « les ciseaux des censeurs » se mettront en action pour faire disparaître toute trace, ou presque, de cette fougueuse Anglaise. Bien que meurtrie, elle reconnaîtra plus tard avoir attendu la disparition des principaux protagonistes pour livrer enfin ses souvenirs, en 2001, dans Tant que dure le jour (Plon). Un ouvrage dont Patrick Jeudy s’est sans doute largement inspiré pour conter, avec un lyrisme parfois appuyé, la trajectoire singulière de cette jeune fille que rien ne prédisposait à devenir la première et unique femme, à ce jour, membre de la Légion étrangère.

Née à Londres en 1909, d’un père officier de la Royal Navy et d’une aristocrate anglaise mélancolique, Susan Travers passe sa jeunesse sur la Côte d’Azur à tromper l’ennui d’une vie familiale terne, entre les parties de tennis où cette sportive excelle, les bals et des flirts sans lendemain. L’ennui guette toujours, lorsque la guerre éclate qui la voit d’abord revêtir l’uniforme d’infirmière de la Croix-Rouge. Avant celui des Forces françaises libres où elle s’engage en juin 1940. Sur le navire qui l’a conduite à Dakar, elle est attachée à la 13e demi-brigade de la Légion étrangère. Sans savoir qu’elle va suivre ces ­hommes pendant quatre ans du ­Cameroun à l’Egypte, du désert ­libyen à l’Italie et jusque dans les Vosges. Mais aussi, après guerre, en Indochine comme membre à part entière de la 13e DBLE.

Susan Travers en Afrique du Nord au début des années 1940. / © MUSÉE DE L'ORDRE DE LA LIBÉRATION

Quatre années marquées par sa rencontre avec celui qui restera son grand amour : le général Kœnig, dont « la Miss » devient le chauffeur et la maîtresse sous les ors des palaces de Damas et Beyrouth. Avant de connaître l’enfer du siège de Bir Hakeim (du 26 mai au 11 juin 1942), que retrace, jour par jour, Patrick Jeudy, illustrant son propos d’archives – notamment celles, rares, où figure Susan Travers – et des dessins aux couleurs chaudes de ­Jérémie Gasparutto.

Peu après sa sortie héroïque sous la mitraille, la romance, éventée par la propagande allemande, s’achève. Susan Travers ne reverra Kœnig qu’en 1956, lorsqu’il la décore de la médaille militaire. En 2010, lors de son discours de réception à l’Académie française au fauteuil de Pierre Messmer, qui fut lui aussi membre de 13e DBLE, Simone Veil ne manquera pas de saluer la mémoire et le courage de l’adjudante-chef Travers. Réparant des années d’omission.

Susan, l’héroïne cachée de Bir Hakeim, de Patrick Jeudy (Fr., 2017, 55 min).