L’Etat va-t-il enfin améliorer la distribution de l’eau en Guadeloupe ? Sébastien Lecornu, le secrétaire d’Etat auprès du ministre de la transition énergétique, et Annick Girardin, la ministre des outre-mer, ont en tout cas auditionné tous les acteurs de ce dossier, samedi 3 mars. Une journée studieuse qui s’est achevée par un grand tour de table à huis clos avec les présidents de communauté de communes et d’agglomération, les organismes qui gèrent et distribuent l’eau, plusieurs parlementaires, et chose inédite, les représentants des usagers. Avec l’objectif de trouver une solution pour mettre un terme aux coupures d’eau.

La situation exaspère une population guadeloupéenne en colère contre ses élus. A cause d’un manque d’entretien du réseau, près de 60 % de l’eau produite s’échappe dans la nature. Casses régulières, fuites qu’il faut colmater, ruptures de canalisation… Les coupures durent parfois jusqu’à dix jours dans certains endroits. Il n’est pas rare en se rendant à Basse-Terre de croiser des geysers d’eau qui s’échappent de conduite comme du pétrole d’un derrick.

Selon certaines estimations, il faudrait au bas mot plus de 600 millions d’euros pour financer les travaux conséquents. En mai 2015, de passage en Guadeloupe, le président François Hollande avait promis de mettre la main à la poche. Seule condition : se mettre d’accord pour trouver une gouvernance unique de la production et de la distribution de l’eau potable alors qu’il y a actuellement une dizaine d’opérateurs, selon l’Observatoire de l’eau.

Barrages routiers

Aujourd’hui, le gouvernement d’Edouard Philippe n’entend pas signer de chèque en blanc. Il y a quelques semaines, le président (La République en marche) de la région, Ary Chalus, avait assuré que le gouvernement s’engagerait à hauteur de 400 millions d’euros. Samedi soir pourtant, les membres du gouvernement n’ont présenté aucun engagement chiffré de l’Etat. Juste affiché leur intention d’accompagner financièrement les collectivités locales à condition qu’elles adoptent un plan de modernisation des réseaux.

Depuis la visite officielle du premier ministre, début novembre 2017, le dossier a progressé. Ary Chalus a obtenu un premier plan d’urgence de 71 millions d’euros, avec un engagement du département sous l’impulsion des présidents des Etablissements publics de coopération intercommunale, compétents dans ce domaine. L’Etat s’est engagé dans ce plan d’urgence à hauteur de 7,7 millions d’euros. Les premiers travaux doivent commencer à Baie-Mahault. Deux réservoirs d’eau de 2 000 m3 chacun vont être rénovés par la communauté d’agglomération de Cap Excellence. Construits il y a dix ans, ils n’ont jamais été mis en service. Montant de l’opération : 758 000 euros.

Au-delà des travaux d’urgence, le gouvernement propose aux responsables de contractualiser un plan de financement quinquennal, décidé en fonction d’une expertise des ingénieurs du Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement. Au sortir de la réunion de samedi, les élus et les membres du gouvernement étaient satisfaits, mais pas les représentants des consommateurs.

Plusieurs mobilisations de consommateurs en colère ont déjà eu lieu. Des barrages routiers ont été mis en place et vite démantelés par les forces de l’ordre. Goyave, Capesterre-Belle-Eau, Les Abymes en Grande-Terre… aucune de ces communes n’échappe aux « tours d’eau », y compris celles qui sont très touristiques comme Sainte-Anne ou Saint-François, dans le sud Grande-Terre. Mis en place il y a maintenant un peu plus de trois ans, ils consistent à organiser des coupures d’eau dites « solidaires » afin d’éviter que les mêmes secteurs soient privés d’eau une bonne partie de l’année. Un comble alors que la Guadeloupe reçoit tous les ans des milliards de mètres cubes d’eau de pluie.

Olivier Lancien (Guadeloupe, correspondant)