Points de vente officiels de marijuana aux Pays-Bas (ici, à Amsterdam en 2016). / HADAS PARUSH / FLASH-90 / REA

Le syndicat néerlandais de la police (NPB) en est convaincu, depuis qu’il a interrogé quelques centaines de ses membres : les Pays-Bas sont devenus en trente ans un « Etat narco ». Dans un pamphlet d’une dizaine de pages diffusé à la mi-février, les policiers affirment que la production et le commerce – en ligne, notamment – de narcotiques ont atteint un tel niveau que le royaume figure en tête du classement mondial du chiffre d’affaires lié au cannabis, à la production de drogues synthétiques et à l’importation de cocaïne, qui transite notamment par le port de Rotterdam.

Instaurée dès les années 1970 pour prétendument casser les réseaux clandestins et favoriser la réinsertion de leurs membres, la politique de « tolérance » à l’égard des drogues douces est sur la sellette

Pieter Tops, professeur de gestion à l’université de Tilbourg, acquiesce, dans le quotidien De Volkskrant : tout ce qui fait la richesse du pays (son esprit entrepreneurial, son réseau autoroutier et ferroviaire, ses infrastructures de pointe dans le numérique et la finance) a, selon lui, été exploité à merveille par les réseaux criminels. Dans le document publié par le syndicat policier, un enquêteur raconte :

« Au cours des vingt-cinq dernières années, j’ai vu des petits dealers devenir de grands entrepreneurs et des investisseurs respectés entretenant de bonnes relations avec le monde politique. »

Mise en place dès les années 1970 pour prétendument casser les réseaux clandestins et favoriser la réinsertion de leurs membres, la politique de « tolérance » à l’égard des drogues douces est donc à nouveau sur la sellette. Pour certains, elle aura surtout permis de taxer les coffee shops, points de vente officiels de marijuana dans le pays. Pour d’autres, elle aura limité l’usage des drogues dures pour les Néerlandais.

Les policiers insistent, eux, sur le fait que l’accent mis sur les autres formes de délinquance grave (crimes de sang, vols…) a entraîné un désintérêt pour les réseaux criminels liés à la drogue. « Le pays a perdu le contrôle de ce commerce », juge Pieter Tops, qui souligne, toutefois, que l’on ne remarque pas, aux Pays-Bas, l’une des autres caractéristiques d’un « Etat narco » : la corruption des forces de l’ordre.

Faiblesse des peines infligées

Confronté à un diagnostic peu enthousiasmant pour un Etat qui se place volontiers dans le cercle des Européens vertueux, le ministre de la justice, Ferdinand Grapperhaus, a été forcé de réagir. Selon lui, son pays lutte « de manière efficace contre le crime, dont celui du commerce de drogues ».

Il a seulement admis que les policiers avaient sans doute besoin de moyens supplémentaires. C’est oublier que la lenteur des procédures judiciaires et la faiblesse des peines généralement infligées dans les affaires de drogue – quand elles finissent par aboutir – sont d’autres caractéristiques du système néerlandais.

Des spécialistes ajoutent à ce constat que le manque de formation des enquêteurs, leurs carences dans la maîtrise des nouvelles technologies et le poids de la bureaucratie empêchent une lutte efficace contre des réseaux qui, désormais, essaiment dans le monde entier. Car la réputation des trafiquants néerlandais en matière d’efficacité et de maîtrise technique, notamment dans l’installation de laboratoires, n’est plus à faire.