Un homme sale la chaussée à La Bastide Clairence, dans Pyrénées-Atlantiques, mercredi 28 février. / Bob Edme/AP

En décembre 2017, Donald Trump se moquait, dans un tweet, du réchauffement climatique en commentant la vague de froid intense qui sévissait sur la côte Est des Etats-Unis.

« Dans l’est du pays, ça pourrait être le nouvel an LE PLUS FROID jamais enregistré. Peut-être qu’on pourrait utiliser un peu de ce bon vieux réchauffement climatique face auquel notre pays, seul, allait payer des MILLIERS DE MILLIARDS DE DOLLARS pour s’en protéger ! Couvrez-vous ! »

L’argument est un classique : il revient à chaque fois que les températures hivernales deviennent négatives. Il paraît en effet curieux – ou contradictoire – à un certain nombre d’observateurs que l’on parle de réchauffement de la planète alors que la France, comme d’autres pays, connaît régulièrement des épisodes de froid intense.

L’argument a un corollaire très usité chez les climatosceptiques : « Comment les scientifiques peuvent-ils prévoir le climat dans cent ans alors qu’ils n’arrivent pas à prévoir celui de la semaine prochaine ? » La réponse est simple : la météo quotidienne et le climat n’ont pas grand chose à voir.

Pourquoi ne faut-il pas confondre météo et climat ?

Pour résumer : la météo varie sur des temps courts tandis que le climat varie sur des périodes (très) longues. Pour être précis, la météorologie se réfère à l’étude des phénomènes et conditions atmosphériques sur des périodes courtes, alors que le climat désigne l’évolution de l’atmosphère sur le long terme.

Pour utiliser une analogie, si la météo est l’argent liquide que vous conservez dans votre poche, le climat est votre revenu annuel. Le premier varie de jour en jour, quand le second varie bien plus lentement.

Sur des périodes de l’ordre de quelques jours, mois ou année, la variabilité des phénomènes atmosphériques est importante : les températures, précipitations et autres indicateurs météo, peuvent connaître des hauts et des bas de manière marquée. Le climat change, lui aussi, mais sur des périodes beaucoup plus longues. Si longues, qu’elles sont habituellement imperceptibles à hauteur d’humain, lequel ne vit que 71 ans en moyenne (en 2015).

Les épisodes de froid intense ne vont pas disparaître, mais le réchauffement climatique les rendra plus rares

Par exemple, les températures en France ont été dans la nuit du 27 au 28 février inférieures de 8 à 12 degrés par rapport aux normales saisonnières, c’est-à-dire à la moyenne des températures enregistrées précédemment sur trente ans (1981-2010) à la même période de l’année. Ce, alors même que la température moyenne sur le globe était le même jour supérieur de 0,7 °C aux normales saisonnières mondiales (1979-2000).

Si l’on reste en France, les températures moyennes des mois de février permettent de bien comprendre la différence entre la météo et le climat. Sur le graphique suivant, les températures moyennes de février varient d’année en année, sans tendance perceptible d’un coup d’œil. Une courbe de tendance linéaire fait cependant bien ressortir le réchauffement du climat hexagonal : +0,96 °C en cent dix-huit ans.

En clair, les épisodes de froid intense ne vont pas disparaître, ils continueront d’apparaître de façon régulière. Simplement, le réchauffement climatique les rend plus rares. En témoigne par exemple le suivi de Météo France sur les anomalies de température depuis 1900 (par rapport à la période 1961-1990).

Les modèles climatiques utilisés par Météo France montrent que le réchauffement de notre planète réduira le nombre de jours de gel et augmentera la fréquence et l’intensité des vagues de chaleur dans l’Hexagone. A la fin du siècle, le réchauffement du climat en France atteindra entre 2 °C et 4 °C, selon les réductions d’émissions de gaz à effet de serre qui seront conduites par les plus gros émetteurs.

En climatologie, personne ne raisonne sur moins de trente ans

L’une des bases de la climatologie réside dans le fait d’étudier des périodes suffisamment longues pour que l’on considère que la variabilité du climat d’une année sur l’autre soit quasi négligeable. Plus la période étudiée est longue, meilleurs seront les résultats. A l’inverse, un nombre insuffisant d’années rend les résultats vulnérables à la variabilité du climat. Il est souvent considéré que trente ans constituent une période minimum dans l’étude du climat d’un territoire. C’est aussi le minimum défini par l’Organisation météorologique mondiale (OMM) et utilisé par le GIEC (le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) dans ses rapports détaillés publiés tous les six ans.

De la même façon qu’il est scientifiquement douteux de relativiser le réchauffement climatique qui se produit sur du long terme avec une vague de froid de quelques jours, il est difficile, voire impossible d’attribuer un seul événement météo extrême au réchauffement du climat. Il est en revanche possible de dire qu’une série d’événements météorologiques est rendue plus probable par le réchauffement climatique.

Ainsi, ne peut-on pas dire que les ouragans Irma, Maria ou Harvey, qui ont touché l’Amérique centrale et les Etats-Unis sont causés directement par le réchauffement de la planète, mais la fréquence exceptionnelle et leur ampleur lors de la saison cyclonique 2017 (année la plus active depuis 2005 et septième saison la plus active depuis 1851) sont un des effets connus de celui-ci.

L’énergie cumulée des cyclones tropicaux, un indice calculé par la National Oceanic and Atmospheric Administration (NOAA) pour estimer l’énergie libérée par les cyclones selon la force de leurs vents, suit d’ailleurs la même tendance à la hausse que nombre d’indicateurs météorologues sur le long terme (+ 66 % en cent soixante-six ans).

La France continuera donc de connaître des vagues de froid dans les années et décennies à venir. Elles seront moins nombreuses et probablement moins sévères, de façon générale. Mais elles n’empêcheront pas le climat hexagonal et mondial de connaître une hausse des températures alarmante pour les écosystèmes de la planète.