Neymar Jr après sa blessure à la cheville. / GEOFFROY VAN DER HASSELT / AFP

Chronique. Sans Neymar, le PSG peut-il franchir le palier que Neymar devait lui permettre de franchir ? La question résume l’incertitude et l’enjeu du huitième de finale retour de Ligue des champions contre le Real Madrid, mardi soir. Le transfert du Brésilien avait vocation à accorder un nouveau statut au Paris-Saint-Germain. Du point de vue médiatique et économique, le tour était joué d’emblée. Restait encore à changer de statut, sportivement, sur la scène européenne.

La recrue était justement là pour ça, appartenant à la catégorie des joueurs exceptionnels auxquels on prête la capacité de « faire la différence à eux tout seul » en dynamitant des défenses devenues plus hermétiques avec l’intensification athlétique et tactique du football. Surtout dans le money time des derniers tours de la Ligue des champions, qui opposent entre elles les équipes de l’hyper-élite européenne. Leurs effectifs étant très proches, la compétition se joue sur les fameux « détails » – qui n’en sont plus quand il faut dépenser 222 millions d’euros pour les mettre de son côté.

Neymar-dépendance

Durant sept mois, Neymar a pleinement justifié son propre statut, dans la routine du championnat de France et de la phase de poules de la Ligue des champions. Ses statistiques l’attestent (avec notamment 19 buts et 13 passes décisives en L1), même s’il faut les pondérer par ce que ce statut lui rapporte sous forme de privilèges divers, comme celui d’exécuter les penaltys, de jouer à peu près comme bon lui semble et de ne pas se voir tenir rigueur d’autres chiffres – tel son nombre conséquent de ballons perdus.

Malgré un bilan très favorable, cette Neymar-dépendance a eu des effets ambivalents sur l’expression de son équipe. La participation défensive limitée de la star, qui a semblé atteindre par contagion ses compères Edinson Cavani et Kylian Mbappé, tend d’abord à fragiliser l’équilibre défensif du PSG. Ensuite, ce trio a souvent paru coupé du reste de l’équipe, et sa puissance de feu compromise par un manque de liant dans l’animation et dans les liaisons avec les milieux de terrain…

En ce sens, le pas en avant souhaité par les dirigeants parisiens avec leur spectaculaire mercato estival a pris un air de retour en arrière. On pensait que l’ère Ibrahimovic – celle d’un footballeur tendant à cannibaliser l’attention et le jeu, pour le meilleur et le pire – avait pris fin au moment de l’arrivée d’Unai Emery sur le banc et de la composition d’un effectif équilibré, à même de favoriser une progression collective. Cette parenthèse, plombée par la perte du titre national et l’élimination fracassante contre Barcelone la saison dernière, a donc été vite refermée.

Oublier Neymar sur le terrain plutôt que dans les têtes

L’ironie, cruelle, est qu’après sept mois, le PSG se retrouve à devoir refaire la différence collectivement, précisément au moment où la magie de Neymar était censée opérer. C’est sa cheville qui l’a été. Au moins la rapide levée de l’incertitude quant à sa présence, demain, a-t-elle évité de laisser mariner le groupe dans un entre-deux pénible : il faudra faire sans ce supplément d’homme et trouver d’autres ressources. Le délai peut sembler court, d’autant que certains risques planent : l’excuse que constitue, plus ou moins consciemment, l’absence du « meilleur joueur du monde », selon les termes du directeur sportif Antero Henrique dans L’Equipe, dimanche ; celle, agitée par ce dernier, d’un arbitrage jugé défavorable.

D’autres facteurs joueront positivement : l’orgueil des autres Parisiens, peut-être libérés par cette absence ; le soutien du Parc des Princes, attisé par une habile campagne de communication ; et, surtout, la faiblesse chronique du Real cette saison. Bien sûr, les Madrilènes pourront encore invoquer d’autres forces de l’esprit, comme la mystérieuse « expérience » des grands rendez-vous ou la baraka en C1 de leur entraîneur Zinédine Zidane. Autant de raisons de disputer ce match sur le terrain plutôt que dans les médias et dans les têtes (que l’on sait friables).

Antero Henrique a pourtant voulu ramener le fantôme de Neymar dans le vestiaire parisien : « Il peut aussi nous aider de l’extérieur. (…) Même s’il ne peut pas jouer, on sent que Neymar est là. » Le moment est au contraire à oublier Neymar, au moins jusqu’à la seconde où une qualification permettra aux joueurs d’exhiber les t-shirts d’hommage à leur cher coéquipier.

Par Jérôme Latta, rédacteur en chef des « Cahiers du football »

Un contenu de cette page n'est pas adapté au format mobile, vous pouvez le consulter sur le site web