Lors du dîner organisé à Pyongyang. Photo fournie par l’agence officielle de presse nord-coréenne. / KCNA / REUTERS

La Corée du Sud poursuit sa délicate entremise entre la Corée du Nord et les Etats-Unis malgré une défiance exacerbée. La délégation sud-coréenne envoyée pour deux jours à Pyongyang est revenue mardi 6 mars en Corée du Sud avant de s’envoler vers Washington pour un débriefing avec l’administration Trump.

Cette visite était la première d’une délégation sud-coréenne en République populaire démocratique de Corée (RPDC, nom officiel de la Corée du Nord) depuis la fin, en 2007, de la politique dite du « rayon de soleil » de rapprochement intercoréen. « La Corée du Nord semble avoir attaché de l’importance à la venue de nos envoyés spéciaux », s’est félicité le ministère sud-coréen de l’unification.

Les dix membres de la délégation, dont Chung Eui-yong, le conseiller à la sécurité nationale du président sud-coréen Moon Jae-in, et Suh Hoon, le directeur du NIS, les services de renseignement, ont été conviés à un dîner, lundi 5 mars, avec Kim Jong-un. Pour la première fois depuis l’arrivée au pouvoir du dirigeant en décembre 2011, des officiels sud-coréens ont pu s’entretenir avec lui.

Organisé au siège du Parti du travail, au pouvoir en RPDC, ce repas a également réuni, côté nord-coréen, Ri Sol-ju, l’épouse de Kim Jong-un, Kim Yo-jong, sa sœur, et Kim Yong-chol, le responsable des relations avec le Sud. « [Il] s’est déroulé dans une atmosphère chaleureuse, animée de sentiments confraternels », s’est félicitée l’agence officielle nord-coréenne KCNA.

Selon KCNA, Kim Jong-un a « discuté en profondeur des moyens d’apaiser les vives tensions dans la péninsule coréenne et d’entamer un dialogue par de multiples voies, d’établir des contacts, une coopération et des échanges ».

Cette visite répondait à celle de Kim Yo-jong en Corée du Sud pour l’ouverture des JO de Pyeongchang, le 9 février. A cette occasion, celle qui est aussi chargée des activités du dirigeant nord-coréen et siège au bureau politique du Parti du travail avait remis une invitation à se rendre dans le Nord à Moon Jae-in. La délégation sud-coréenne était également porteuse d’une lettre de Moon Jae-in pour Kim Jong-un. Le dirigeant aurait déclaré, pendant le dîner, que les JO avaient contribué à créer une atmosphère de réconciliation, d’unité et de dialogue intercoréen.

Dynamique d’apaisement

La question du sommet avec Moon Jae-in a été abordée et les échanges à ce sujet ont été jugés « satisfaisants » par Pyongyang. Le 17 février, Moon Jae-in, ­soucieux de ménager un allié américain pour lequel « toutes les ­options sont sur la table » face à la Corée du Nord, avait toutefois ­estimé qu’il était « trop tôt » pour une telle rencontre. Il privilégie les ­avancées « vers un consensus sur la nécessité du dialogue entre les Etats-Unis et la Corée du Nord ».

De fait, Séoul veut maintenir la dynamique d’apaisement après une phase de tensions qui a atteint son paroxysme en 2017, année marquée par quatre essais de missiles balistiques intercontinentaux et un essai nucléaire par Pyongyang, tandis que le président américain, Donald Trump, répondait par des invectives sur Twitter à la propagande nord-coréenne. « Les Etats-Unis devraient réduire leurs exigences et la Corée du Nord devrait exprimer sa volonté de dénucléariser », déclarait Moon Jae-in, le 26 février, devant le vice-premier ministre chinois, Liu Yandong.

Séoul doit désormais convaincre Washington de répondre à l’offre de dialogue formulée par Pyongyang, notamment lors de la venue, le 25 février, de Kim Yong-chol à la cérémonie de clôture des JO. Les Etats-Unis restent sceptiques sur la volonté d’ouverture de Pyongyang. L’administration Trump dit vouloir éviter ce qu’elle considère comme les erreurs des administrations précédentes, qui ont alterné dialogue et sanctions, sans empêcher Pyongyang de se doter d’un arsenal nucléaire.

« Politique hostile »

Pour elle, l’ouverture d’un dialogue passe par un engagement nord-coréen à discuter de la ­dénucléarisation de la péninsule coréenne. Les Américains veulent également maintenir la pression « maximale » imposée à la RPDC, même pendant d’éventuelles ­discussions.

La Corée du Nord, pour qui le ­nucléaire est non négociable, car perçu comme la garantie de sa survie, rejette tous pourparlers sous conditions. Elle veut traiter comme puissance nucléaire, d’égal à égal, et élargir les discussions à ce qu’elle qualifie de « politique hostile » des Etats-Unis, dont l’organisation par l’armée américaine de manœuvres annuelles avec la Corée du Sud. La RPDC les considère comme une menace directe contre elle. Ces exercices devaient coïncider en 2018 avec les JO, mais ont été reportés, à la demande de Séoul, permettant l’accalmie. La question de leur reprise est aujourd’hui posée.