Intervention télévisée le 5 mars de Matteo Salvini, le leader de la Ligue, parti d’extrême droite. / ALESSANDRO BIANCHI / REUTERS

Après l’Allemagne, qui a mis six mois à se constituer un gouvernement après les élections législatives de septembre, l’Italie va-t-elle à son tour être confrontée à un interminable blocage politique ? Les résultats des élections législatives de dimanche 4 mars n’ont pas accordé de majorité absolue et ni la Chambre des députés ni le Sénat ne disposent de majorité suffisamment claire pour gouverner.

Si le Mouvement 5 étoiles est arrivé largement en tête avec 32,6 % des voix, il n’aura pas assez de sièges au Parlement pour former un gouvernement. Idem pour la coalition de droite et d’extrême droite – la Ligue de Matteo Salvini, Forza Italia de Silvio Berlusconi et Fratelli d’Italia –, qui a obtenu 37 % des suffrages, mais qui ne dispose donc pas non plus de la majorité absolue. Tout est donc désormais dans les mains du président de la République, Sergio Mattarella. Et l’Italie devra attendre au moins plusieurs semaines avant de voir la formation d’un nouveau gouvernement.

  • Une zone d’incertitude de plusieurs semaines

Depuis les élections du 4 mars, tous les regards sont tournés vers le président italien, Sergio Mattarella, que la Constitution place en position d’arbitre. C’est lui qui doit décider à quel chef de parti il confiera la tâche de former un nouveau gouvernement. Mais pas avant plusieurs semaines.

Pour pouvoir lancer les négociations officielles, il faudra attendre l’ouverture de la nouvelle législature, le 23 mars, puis la désignation des présidents et vice-présidents des Chambres et des divers groupes.

Pendant ce temps, M. Mattarella devrait laisser en place le gouvernement actuel de Paolo Gentiloni (centre gauche) qui n’a pas besoin de demander la confiance du Parlement après ces élections pour gérer les affaires courantes. Et si le blocage persiste et que les partis n’arrivent pas à s’entendre pour former une coalition, le chef de l’Etat peut convoquer de nouvelles élections.

Dans l’histoire politique récente de l’Italie, certaines négociations post-électorales ont duré deux mois, le record de ces trente dernières années étant établi à 84 jours pour la formation du premier gouvernement de Giuliano Amato, en 1992.

  • Qui sera chargé de former un gouvernement ?

Ils sont deux à revendiquer le droit de former un gouvernement. Dès lundi, en fin de matinée, le dirigeant de la Ligue (ex-Ligue du Nord, extrême droite), Matteo Salvini, qui est arrivé troisième avec 17,4 %, a affirmé au cours d’une conférence de presse que la coalition de droite et d’extrême droite menée par son parti (37 % des voix) avait « le droit et le devoir de gouverner ». Il a revendiqué également la direction du gouvernement.

« L’engagement a été pris au sein de la coalition : qui l’emporte peut gouverner », a lancé M. Salvini à destination de son allié, le parti Forza Italia (14 %), de Silvio Berlusconi. Les deux dirigeants se sont d’ailleurs retrouvés lundi après-midi. Mais l’ancien président du conseil italien ne s’est pas explicitement rangé derrière le chef de file de la Ligue, appelant seulement à « renforcer la coalition qui devra obtenir le mandat de gouverner l’Italie ».

Quant au Mouvement 5 étoiles (M5S), arrivé nettement en tête dimanche avec 32,6 % des suffrages, il a également revendiqué le droit de former un gouvernement, par la voix de son dirigeant, Luigi Di Maio :

« Nous avons la responsabilité de donner un gouvernement [à l’Italie]. Nous sommes une force politique qui représente toute la nation, du Val d’Aoste à la Sicile. »

S’il souhaite gouverner, le M5S, qui a toujours critiqué les arrangements entre partis politiques, va devoir former une coalition. Ainsi dès dimanche soir, les dirigeants du M5S ont voulu se positionner au centre de la classe politique en se montrant ouverts pour la première fois à des tractations. M. Di Maio s’est dit prêt « à discuter avec toutes les forces politiques » sur les thèmes de son programme : l’emploi et le développement, la pauvreté ou encore l’immigration.

Et si l’issue du blocage passait par une coalition entre les deux partis antisystème – le M5S et la Ligue –, qui aurait alors la majorité absolue ? Cette hypothèse est possible pour le quotidien La Stampa :

« Inutile de le cacher, il est possible que Di Maio et Salvini tentent de converger sur un programme minimal : abolition de la loi Fornero sur les retraites, renégociation des traités avec l’Europe, blocage de l’immigration clandestine. »

De son côté, le correspondant du Monde à Rome, Jérôme Gautheret a estimé dans un tchat avec les lecteurs du monde que, si « rien [n’était] impossible », cette option restait selon lui « hautement improbable » : « D’abord parce que les Cinq étoiles sont en plein recentrage européen, ensuite parce que dans un tel ensemble, la Ligue du Nord ne serait qu’une force d’appoint, et que son chef, Matteo Salvini, n’a rien à gagner à ça. »

Lire le compte-rendu du tchat avec notre correspondant : « Ce qu’il faut comprendre, c’est qu’on repart de zéro »
  • Quelle est la position du Parti démocrate ?

Arrivé deuxième du scrutin avec 19 % des suffrages, le Parti démocrate (centre gauche) aurait pu avoir un rôle déterminant dans la formation d’une coalition. Mais le parti dirigé jusque-là par Matteo Renzi est sorti groggy de son faible score historique – il avait obtenu 40 % lors des européennes de 2014.

Dès lundi, l’ancien président du conseil a annoncé sa démission à la tête du Parti démocrate en précisant toutefois que cette démission serait effective lorsqu’un gouvernement sera formé. M. Renzi a par ailleurs tenu à faire savoir que son parti de centre gauche refusait de participer à des négociations : « Le peuple italien nous a demandé d’être dans l’opposition et c’est là que nous irons. Nous ne formerons jamais un gouvernement avec des forces antisystème », a-t-il poursuivi, en évoquant le M5S et la Ligue.

« Si nous sommes des mafieux, si nous sommes corrompus et indignes comme candidats, si nos mains sont couvertes de sang, vous savez quoi ? Formez un gouvernement sans nous. »