Luigi Di Maio, à Rome, le 5 mars. / ALESSANDRO BIANCHI/REUTERS

Bien sûr, il n’a que 31 ans, soit un bon demi-siècle de moins que l’ancien premier ministre Silvio Berlusconi, grand perdant du scrutin de dimanche 4 mars. Certes, sa culture générale connaît de grosses lacunes, il s’emmêle plus qu’à son tour dans les subjonctifs, et parle avec difficulté l’italien des gens comme il faut. Et oui, avant d’entrer en politique, son CV, sur lequel on ne trouve rien d’autre qu’une vie d’étudiant en droit sans diplôme et des petits boulots, comme un emploi d’agent de sécurité au stade San Paolo de Naples, tenait sur une carte de visite.

Ces remarques, ressassées par ses opposants pour mieux illustrer l’impossibilité que le chef de file du Mouvement 5 étoiles (M5S), Luigi Di Maio, puisse prétendre un jour au poste de premier ministre, sont factuellement exactes. Il n’empêche, les faits sont têtus. Avec plus de 31 % des suffrages au soir des élections législatives du 4 mars, le mouvement est devenu, de très loin, la première force politique d’Italie. Et malgré sa jeunesse et ses imperfections, c’est bien Luigi Di Maio qui a été désigné comme le candidat du mouvement pour le poste, si bien que le résultat des urnes le place en situation de faire un prétendant tout à fait crédible.

On avait été convié au déjeuner dominical, au domicile familial, trois semaines avant l’élection, dans le but de réaliser un entretien. Direction Pomigliano d’Arco, une ville sans histoire des environs de Naples, où vivent ses parents et son frère de 23 ans, dans une petite maison située au bord d’une route menant aux pentes du Vésuve.

En plus de trois heures passées dans la maison familiale, on en avait plus appris sur son milieu d’origine que sur lui-même. Un intérieur propret et un peu impersonnel, quelques livres, des tableaux un peu kitsch représentant le golfe de Naples… Une demeure typique de la petite bourgeoisie napolitaine où règne un certain confort (la mère de Luigi Di Maio était enseignante et le père, entrepreneur), mais pas l’opulence.

Des engagements politiques passés du père, Antonio, ancien responsable local du Mouvement social italien (néofasciste), on n’a pas trouvé trace. Et on n’a pas appris grand-chose sur la personnalité du jeune dirigeant, tant celui-ci s’est montré, au cours de ces heures de rencontre, affable et souriant, mais désespérément lisse et insaisissable.

Recentrage pro-européen

Ainsi apparaît en toutes circonstances Luigi Di Maio, comme une sorte de double inversé de son mentor Beppe Grillo, qui lui a passé les clés du mouvement, à l’automne 2017, et semble s’en être tenu éloigné durant toute la campagne électorale. Aussi glabre et bien peigné que le comédien peut être hirsute, aussi pondéré que son prédécesseur était provocateur… Luigi Di Maio est comme une allégorie du M5S « normalisé » pour une nouvelle phase de sa marche vers le pouvoir.

Entré dans la galaxie grilliniste à 20 ans, en 2007, alors que le M5S n’était pas encore lancé, Luigi Di Maio a été désigné comme candidat à la députation par vote sur Internet, début 2013. Quelques semaines plus tard, à seulement 26 ans, il entrait à la Chambre, en même temps qu’une centaine de nouveaux venus, totalement inexpérimentés. Il saura, mieux que beaucoup d’autres, s’adapter assez vite aux allées du pouvoir. Elu à la fonction de vice-président, il s’acquittera de sa tâche avec un savoir-faire incontesté. Bientôt, par ses fonctions, il devient un des visages les plus connus du mouvement.

Choisi parmi les cinq membres du directoire instauré fin 2014 par Beppe Grillo, qui – déjà – songeait à prendre du champ avec la direction du M5S, il en vient assez vite à incarner, au sein de ce parti traversé d’infinies nuances, une aile droite « modérée ». Cela ne l’empêche pas, au printemps 2017, de prendre des positions très dures dans la crise migratoire en Méditerranée, popularisant l’expression des « taxis des mers » pour qualifier les navires affrétés par les ONG humanitaires pour effectuer des opérations de secours au large de la Libye.

Intronisé à l’automne 2017 à Rimini, au terme d’un processus contesté par plusieurs figures de l’« aile gauche » du mouvement, parmi lesquelles le très populaire Roberto Fico, Luigi Di Maio aura su faire taire ces voix dissonantes, au cours d’une campagne particulièrement efficace, ayant fait le choix de mettre l’accent sur le Sud délaissé par le pouvoir central.

Artisan d’un recentrage pro-européen devenu plus évident à mesure que se rapprochait l’échéance électorale, Luigi Di Maio semble aujourd’hui diriger le mouvement en tandem avec le très discret Davide Casaleggio, fils de Gianroberto, cofondateur du M5S et dirigeant de la toute-puissante Casaleggio Associates, qui a la haute main sur la plateforme Internet des 5 étoiles. Cette entreprise milanaise est-elle également le « cerveau » du mouvement ? Est-ce elle qui a dirigé et impulsé les choix du candidat ? Nul ne le sait.

Luigi Di Maio peut assurer que les éventuelles tractations pour constituer un gouvernement seront menées « suivant nos règles de transparence », ces principes cessent de s’appliquer dès qu’on tente d’éclaircir le fonctionnement en coulisse du mouvement.