Manifestation de jeunes chômeurs devant une agence pour l’emploi, à Londres, en octobre 2011. / LEON NEAL / AFP

Chroniques londoniennes. Milan Czerny partage au fil de l’année scolaire son expérience au King’s College London, où il est étudiant en première année de relations internationales.

Avant de partir étudier au King’s College de Londres, j’étais confiant : « Je vais prendre un part-time work (travail à mi-temps), en espérant que j’arriverais à concilier cela avec le travail scolaire », écrivais-je dans ma première chronique. Mais ce projet ne s’est pas déroulé comme prévu.

Tout d’abord, la charge de travail s’est révélée très importante : je n’ai que huit heures de cours par semaine, mais en moyenne 400 pages à étudier. Mais ce n’est pas tant ce rythme intense qui m’a découragé que les conditions de travail auxquelles j’ai dû faire face.

En arrivant à Londres, j’ai rejoint de nombreuses pages rassemblant des offres d’emploi sur les réseaux sociaux, comme « French Lessons and Baby-sitter in London », et parcouru les sites Studentbeans, Studentjob, Savethestudent… Les petits boulots ont l’avantage d’être relativement flexibles, de ne pas nécessiter un engagement sur le long terme et d’être généralement bien payés… enfin, quand ils sont véritablement rémunérés.

En tant qu’étudiant sans compétence professionnelle, je me suis d’abord focalisé sur les annonces pour devenir serveur. Lors du premier entretien pour une célèbre chaîne de cafés américains, on m’a informé que je devais faire l’achat d’un ensemble noir, travailler au minimum 25 heures par semaine pour être payé 6,5 livres de l’heure (un peu plus de 7 euros), soit à peine le prix de deux cafés de cette enseigne.

Un chocolat chaud et un cornet de cacahouètes

La seconde offre à laquelle j’ai postulé me semblait idéale. Elle promettait un salaire de 12 livres de l’heure (presque 14 euros) pour distribuer des flyers devant le lycée français Charles-de-Gaulle. Passer une journée en plein cœur de South Kensington, quartier connu pour sa communauté francophone, ses ambassades, ses luxueux appartements et être bien payé, que demander de plus ?

Après plusieurs échanges de mails, je me suis donc retrouvé un samedi matin devant l’établissement, brochures publicitaires en main. Ceux-ci vantaient les mérites d’une agence de tutorat scolaire française, durablement installée dans la capitale londonienne, située à la sortie de métro du luxueux quartier. La seule difficulté était d’affronter le froid du début novembre.

C’est les doigts de pied gelés que je me suis empressé de m’offrir, à la fin de cette journée, grâce à la somme que je m’attendais à encaisser sous peu, un chocolat chaud et un cornet de cacahouètes caramélisées, afin de me réchauffer. Je m’estimais chanceux d’avoir trouvé un premier petit boulot relativement facile à effectuer, peu chronophage et bien payé. Mes amis qui eux aussi travaillaient ou cherchaient un job m’enviaient.

Un vide dans mes finances

Pour eux, recevoir un salaire est une condition sine qua non de leur présence à King’s College London. Ils concilient des emplois avec le travail scolaire, avec plus ou moins de succès. Rares sont ceux dans ce cas de figure : certains n’ont aucunement besoin d’un revenu et d’autres souhaitent se focaliser entièrement sur les études, quitte à moins dépenser.

Je pensais avoir fait le plus dur après avoir déniché cette offre et effectué ma tâche.
Après deux semaines sans avoir reçu mon dû, je m’étonnai de cet oubli de la part de cette très sérieuse entreprise française. Mes mails restaient sans réponse. Plus de deux mois s’étaient écoulés et je n’étais toujours pas payé. Après des coups de téléphone quotidiens, les explications de l’employée devenant de plus en plus vagues, j’avoue avoir quelque peu perdu patience. J’ai contacté le directeur, estimant qu’une entreprise qui possède plusieurs compagnies de soutien scolaire et des bureaux à South-Kensington ne pourrait pas me refuser le versement de 86 livres.

J’ai alors été informé par mail que j’avais émis des menaces envers une employée (démenties par cette dernière), qu’un dépôt de plainte allait suivre, que ma carrière de journaliste allait vite prendre fin mais que je serai bel et bien payé. Ce dernier point étant l’objectif de mon mail, je ne pouvais qu’être satisfait. Ma naïveté s’est vite dissipée. J’ai finalement compris que la somme déboursée pour ce cornet de cacahouètes d’un vendeur ambulant resterait à jamais un vide dans mes finances, seul résultat de ma première – et dernière – expérience professionnelle outre-Manche.