Mauvais départ pour la consultation sur la réforme pénale. Les principaux syndicats de magistrats ont fait savoir, mardi 6 mars, avant l’annonce par Emmanuel Macron d’une refonte du système des peines, qu’ils boycotteraient un rendez-vous avec la garde des sceaux, Nicole Belloubet, consacrée à la réforme de la justice.

Le Syndicat de la magistrature (SM) et l’Union syndicale des magistrats (USM) disent avoir été informés lundi soir par le cabinet de la ministre qu’ils n’auraient le projet de loi que mercredi et seraient reçus le 15 mars, jour de la transmission de ce texte au Conseil d’Etat.

Les syndicats dénoncent « un simulacre de consultation »

« Après avoir organisé un simulacre de consultation sans jamais nous donner connaissance des projets de texte précis, la ministre de la justice tente le coup de force en nous proposant de nous entendre alors que tout sera déjà joué », déclarent les deux syndicats dans leurs communiqués.

« De ce fait, nous ne nous rendrons pas au rendez-vous fixé par la ministre, qui n’est qu’une nouvelle manœuvre pour réduire au silence toute critique des projets en cours », ajoutent le SM et l’USM, selon lesquels cette position est partagée par les organisations syndicales des personnels de greffe.

Peines alternatives, absence de réduction de peines… les solutions proposées

Le chef de l’Etat est attendu mardi après-midi à l’Ecole nationale d’administration pénitentiaire (ENAP), à Agen (Lot-et-Garonne), où il doit présenter le volet de la réforme de la justice intitulé « Le sens et l’efficacité des peines », y compris les peines alternatives à la détention.

Emmanuel Macron veut faire en sorte que les peines prononcées soient effectivement exécutées et réellement en rapport avec les délits punis, dit-on dans son entourage.

Parmi les annonces fortes attendues, il pourrait écarter l’option de la prison pour les peines les plus courtes et élargir l’éventail des autres peines (bracelet électronique, travaux d’intérêt général) et des formules de probation (mise à l’épreuve). Ces solutions existent déjà mais restent peu utilisées : en 2016, sur les quelque 550 000 délits sanctionnés, les tribunaux ont prononcé 52 % de peines de prison (dont 19 % ferme) et 11 % de peines alternatives, dont moins de 3 % de travaux d’intérêt général.

Les peines prononcées sont-elles rarement exécutées ?

Cette réforme reprend l’idée développée pendant la campagne du candidat Emmanuel Macron : « Aujourd’hui, de manière quasi automatique, une peine de moins de deux ans n’est pas appliquée », déclarait-il en avril 2017 sur le plateau de TF1. Une affirmation exagérée.

S’il est en effet possible, pour les peines de prison ferme de moins de deux ans, d’aménager la peine, celle-ci ne peut l’être que si la situation de la personne condamnée le permet aux yeux de la justice. Il n’y a alors pas de mandat de dépôt.

Il est, en revanche, erroné de dire que les peines de prison de moins de deux ans ne sont jamais appliquées, ou « systématiquement non appliquées », comme le disait M. Macron pendant la campagne. Au 1er janvier 2015, 12 % des peines en cours d’exécution (sur 60 742 détenus) concernaient des peines de moins d’un an et 29 % des peines de 1 à 3 ans, selon les chiffres du ministère de la justice.