Le 23 janvier 2017, Donald Trump signe à Washington un document mettant fin à la participation des Etats-Unis au TPP. / SAUL LOEB / AFP

Il y a un an, on le donnait pour mort. Le retrait des Etats-Unis du traité de libre-échange transpacifique (TPP), annoncé en janvier 2017 par un Donald Trump tout juste installé à la Maison Blanche, semblait condamner cet accord commercial très ambitieux. Orphelins peut-être, les onze autres pays membres ont pourtant décidé d’aller de l’avant.

Jeudi 8 mars, ils devaient se retrouver au Chili pour parapher une nouvelle version du traité. Une façon de démontrer leur engagement en faveur du libre-échange, envers et contre le virage protectionniste de l’administration américaine. Tous issus de la région Asie-Pacifique, les pays signataires comptent des alliés et partenaires proches de Washington, du Japon à la Nouvelle-Zélande, en passant par l’Australie. Le Canada et le Mexique en sont aussi, alors qu’ils sont engagés en même temps avec les Etats-Unis sur un autre dossier commercial : la délicate renégociation de l’accord de libre-échange nord-américain (Alena).

Promu par l’ancien président américain, Barack Obama, pour contrebalancer l’influence grandissante de la Chine, le TPP devait donner naissance à une très vaste zone de libre-échange, égale à 40 % de l’économie mondiale. Le traité réactualisé est plus modeste en dépit d’un nouveau nom à rallonge (Accord global et progressif de partenariat transpacifique ou CPTPP) : il représente 13,4 % du produit intérieur brut (PIB) planétaire.

« Avantages économiques considérables »

Il n’empêche. « Il n’a pas fallu longtemps aux principaux pays participants pour reconnaître que le TPP gardait de la valeur, même sans les Etats-Unis, souligne Jeffrey Schott, expert du commerce au Peterson Institute, un think tank de Washington. Les avantages économiques restent considérables. » Selon ses estimations, le CPTPP devrait permettre d’accroître de 1 % le PIB de la zone à moyen terme. Ces gains sont susceptibles d’augmenter si d’autres pays décident d’adhérer. Certains ont déjà manifesté leur intérêt, de la Corée du Sud à la Colombie en passant par Taïwan, et jusqu’au Royaume-Uni dans la perspective de l’après-Brexit

Ce traité ne se concentre pas uniquement sur les droits de douane, mais prévoit également la levée d’une série de barrières non-tarifaires (normes en matière de droit du travail, d’environnement, etc). M. Obama, en son temps, ne perdait pas une occasion de louer les innovations d’un accord présenté comme le futur étalon des négociations commerciales au XXIe siècle. Sa nouvelle version est très proche de l’original. Sur un millier de dispositions initiales, seule une vingtaine – toutes introduites à la demande de Washington – ont été suspendues.

Dans les ultimes sessions de négociations, le rôle du leader est revenu à un Japon particulièrement actif. D’abord par intérêt économique : l’Archipel voit le CPTPP comme un vecteur de réformes structurelles et le moyen de rattraper son rival sud-coréen, bien plus ouvert en matière commerciale. Tokyo reste aussi désireux de laisser la porte ouverte à Washington. « Si les Etats-Unis reviennent à une attitude plus positive à l’égard du TPP, c’est quelque chose que nous accueillerons favorablement », déclarait, fin février, Kazuyoshi Umemoto, chargé des négociations pour le gouvernement japonais.

Une préférence pour les accords bilatéraux

En attendant, l’approche américaine reste pour le moins confuse. Après l’avoir jugé « horrible », le président américain semble s’être quelque peu radouci vis-à-vis du traité. Rejoindre le CPTPP n’est « pas une priorité pour l’instant mais c’est quelque chose que le président envisagera », a indiqué le secrétaire au Trésor, Steven Mnuchin, le 28 février.

La préférence de l’administration américaine va plutôt à la conclusion d’accords bilatéraux. Force est pourtant de constater qu’aucun pays ne souhaite aujourd’hui négocier seul face aux Etats-Unis. Un isolement qui pourrait pousser le pays à reconsidérer sa position, estiment certains observateurs, une fois passées en novembre les élections de mi-mandat.

« En restant dehors, les Etats-Unis sont assurément les grands perdants du nouveau TPP, juge M. Schott. Les entreprises américaines seront défavorisées sur des marchés importants tels que le Japon par rapport à leurs concurrentes canadiennes ou mexicaines. » Ironiquement, ces dernières profiteront de dispositions dont les Etats-Unis ont été les principaux architectes.

Entrée en vigueur dès 2019

Sur un autre plan, la conclusion du traité témoigne de la volonté des pays de la zone de ne pas tomber complètement dans l’orbite chinoise. « Pour le Japon, il s’agissait clairement de montrer à Pékin que la région pouvait résister à ses pressions hégémoniques. Car après le retrait américain, tout laissait croire que la Chine essaierait de récupérer un à un les membres du défunt TPP », analyse Barthélemy Courmont, directeur de recherche à l’Institut des relations internationales et stratégiques (IRIS).

Il y a un an, Pékin appelait à accélérer les travaux en faveur d’une initiative concurrente : un partenariat entre la Chine, l’Inde, l’Australie, l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est, visant à doper le commerce régional. Entre-temps, ce traité de libre-échange, baptisé RCEP (Regional Comprehensive Economic Partnership) n’a guère avancé. Le CPTPP, lui, entrera en vigueur dès que six pays membres au moins l’auront ratifié. Sans doute dès 2019.