Le groupe Streeteo, filiale d’Indigo (ex-Vinci Park), doit atteindre un quota de 50 000 signalements de stationnement illégal par jour. / LIONEL BONAVENTURE / AFP

La Mairie de Paris « a été trompée ». L’argument est lapidaire, mais il confirme le scandale révélé par Le Canard enchaîné dans son édition de mercredi 7 mars. Selon l’hebdomadaire satirique, des milliers de contrôles de stationnement réalisés dans les rues de Paris par une société privée se sont avérés tout simplement « bidon ».

Comment a fonctionné la supercherie ? Tout commence au 1er janvier, quand la Mairie de Paris instaure des objectifs chiffrés après la privatisation du contrôle du stationnement payant. Le groupe Streeteo, filiale d’Indigo (ex-Vinci Park), choisi pour mener ces opérations dans les deux tiers de la ville, met alors au point une technique aussi infaillible qu’illégale pour atteindre son quota fixé à 50 000 contrôles par jour.

« On nous demandait de désactiver le GPS »

Les salariés de l’entreprise chargée du contrôle du paiement des parcmètres saisissaient des immatriculations de véhicules en prétendant les contrôler, mais sans quitter leur bureau. Ces numéros de plaque automobile leur étaient parvenus quelques jours auparavant par le biais des véhicules Lapi – pour lecture automatisée de plaques d’immatriculation – de la même entreprise Streeteo, chargés de contrôler les véhicules stationnés.

En clair : de vraies voitures de contrôle à lecture de plaques automatisée scannent les rues de Paris. Quelques jours plus tard, dans les locaux de l’entreprise, les salariés utilisent ces mêmes numéros pour signaler un stationnement illégal, prétendant avoir constaté l’infraction de visu. « On nous demandait de désactiver le GPS de nos PDA (ces tablettes qui servent à signaler les infractions) pour que les contrôles ne soient pas localisés », explique ainsi un des salariés interrogé par l’hebdomadaire.

Impossible bien sûr d’envoyer ensuite des contraventions, qui seraient immédiatement contestées par les usagers. Dès lors, les salariés justifiaient eux-mêmes la non-verbalisation par des motifs tels « PMR » (personne à mobilité réduite), « personne agressive », personne « dans le véhicule » ou « autre », décrit le Canard.

Enquête interne

Fin janvier, à l’occasion d’un premier bilan de la réforme du stationnement, « nous avons effectivement constaté un nombre anormalement élevé d’exemptions de paiement », a confirmé Christophe Najdovski, adjoint Europe Ecologie-Les Verts aux transports. Selon l’élu, ce couac ne concerne que « de 2 à 3 % des transactions » quand le Canard enchaîné, citant des agents, parle de « près de la moitié » des 50 000 contrôles quotidiens de Streeteo.

« Ces pratiques visant à tromper la Mairie de Paris ont cessé » le 22 février, a ajouté Christophe Najdovski. Sommée de s’expliquer, la société a ouvert une enquête interne « qui a permis d’établir ces pratiques », a ajouté l’élu. Des sanctions disciplinaires ont été demandées et des pénalités financières, non chiffrées, réclamées.

« La confiance est rompue »

Dans le cadre de la réforme permise par la loi sur les métropoles (loi Maptam), l’exécutif parisien, au terme d’un vif débat entre les élus, avait décidé de confier au privé la gestion des parcmètres et des amendes. Deux lots ont été remportés par Streeteo et un lot par Urbis Park, à charge pour eux d’effectuer 25 000 contrôles par lot et par jour, sur les 140 000 parcmètres que compte Paris.

« C’est un couac pour la société Streeteo, pas pour la Mairie de Paris », a insisté Christophe Najdovski. Sans vraiment parvenir à convaincre, alors que l’exécutif parisien subit actuellement une série de revers sur le Vélib’ ou la piétonnisation des voies sur berge. Un dysfonctionnement d’autant plus remarqué que le groupe Indigo (ex-Vinci Park) est aussi actionnaire principal de Smovengo, l’opérateur des nouveaux Vélib’ dont la mise en service est sans cesse retardée, provoquant la colère des usagers.

« Une fois de plus, la Ville s’illustre par une légèreté totale », a commenté Florence Berthout, présidente du groupe Les Républicains au Conseil de Paris. Le « marché a été attribué à un opérateur qui manifestement n’a pas les reins solides. Il n’a pas été accompagné par la Ville », a-t-elle accusé. L’UDI-MoDem a demandé de « mettre un terme au contrat » avec Streeteo, au motif que « la confiance est rompue ».