Le PDG de Constellium Jean-Marc Germain lors d’un discours à Voreppe (Isère), le 8 juin 2017 pour les 50 ans de l’entreprise. / JEAN-PIERRE CLATOT / AFP

Est-il encore temps de faire revenir Donald Trump sur son projet de taxer massivement les importations d’acier et d’aluminium ? Jean-Marc Germain veut le croire. Depuis l’annonce du président américain, le 1er mars, le patron de Constellium, grand fabricant de produits en aluminium né sur les décombres de Pechiney, multiplie les contacts pour éviter une guerre commerciale dont les industriels seraient les premières victimes. « Il y a bien des distorsions de concurrence dans l’aluminium, mais la taxe de 10 % prévue n’est pas la bonne réponse », juge ce polytechnicien, qui passe la moitié de sa vie aux Etats-Unis.

Avec les autres professionnels des métaux, le PDG de Constellium espère infléchir la position américaine. Si une taxe est bien mise en place, il demande à ce que le Canada et l’Europe, alliés économiques historiques des Etats-Unis, en soient exemptés : « M. Trump, le problème est en Chine, pas en Europe ni ailleurs ».

« Le problème est en Chine, pas en Europe ni ailleurs ».

La Chine, voilà le sujet clé. En vingt ans, le pays s’est construit une très puissante industrie des métaux, grâce, notamment, à une fiscalité incitant à produire de l’aluminium, à le transformer sur place, puis à le vendre hors des frontières : les exportations de produits semi-finis bénéficient d’un rabais de TVA de l’ordre de 15 %. Le résultat ? Entre 1998 et 2018, la part de la Chine est passée de 5 % à… 55 % du marché mondial de l’aluminium, laminant par ricochet l’industrie américaine et européenne.

Un employé de l’usine d’aluminium Constellium à Biesheim (Haut-Rhin) en décembre 2014. / PATRICK HERTZOG / AFP

Rétablir des règles du jeu équitables

Contrer cette concurrence en taxant les importations américaines n’est pas la bonne solution, plaide le patron de Constellium : « Cela va obliger toute la profession à augmenter les prix, et risque d’inciter les producteurs chinois bloqués aux Etats-Unis à déverser leur production en Europe. » Sans compter de possibles mesures de rétorsion européennes qui seraient « contre-productives ».

A ses yeux, « une autre solution est possible » : celle d’un accord négocié au niveau du G20 et de l’Organisation mondiale du commerce. Tous les grands pays producteurs se retrouveraient autour de la table, en vue de réduire les surcapacités chinoises et de rétablir des règles du jeu équitables. Utopie ? « Il y a eu un précédent, en 1994, lorsque l’effondrement de l’Union soviétique a provoqué un afflux d’aluminium russe en Europe et aux Etats-Unis, rappelle M. Germain. Un accord gelant 10 % de la production mondiale avait été signé entre les principaux pays, et ce fut un succès. Pourquoi ne pas recommencer ? » Pas sûr que M. Trump saisisse la perche.