Faustine Tarmasz

Avec la hausse des prix immobiliers (+ 5 % sur un an pour les appartements anciens selon les notaires) et le contex­te économique instable, acheter son logement ou monter son entreprise s’avère compliqué pour les moins de trente ans. Et si les taux de crédit immobilier sont encore très ­attractifs (en moyenne, 1,70 % sur vingt ans), les banques n’ont pas forcément assoupli leurs conditions d’emprunt pour les plus jeunes.

Eviter les problèmes

Si l’on est suffisamment à l’aise, aider l’un de ses enfants ou petits-enfants qui a des difficultés financières ou veut devenir propriétaire est bien naturel. Pour lui donner un coup de pouce, il est possible de lui faire une donation ou encore un prêt. Ce dernier a l’avantage d’être extrêmement souple et peut être réalisé très simplement sans dossier, ni feuilles de revenus à fournir à la banque. Il évite aussi à celui qui prête de s’appauvrir de façon définitive comme lors d’une donation. Ce prêt familial doit néanmoins être accompagné d’un certain formalisme pour éviter les problèmes.

« Un prêt réalisé à la va-vite sans être écrit noir sur blanc peut vite se transformer en bombe à retardement »

En principe, un prêt entre particuliers d’un montant supérieur à 1 500 euros doit faire l’objet d’un écrit. « Mais en réalité peu de parents le réalisent, puisqu’ils font confiance à leur enfant, et inversement, ce qui semble logique. Sauf qu’un prêt réalisé à la va-vite sans être écrit noir sur blanc peut vite se transformer en bombe à retardement », relève Murielle Gamet, notaire au sein de l’étude Cheuvreux. Le premier risque est fiscal. Si le fisc considère que l’augmentation du patrimoine de l’emprunteur est anormale et que le prêt ne peut pas être prouvé, il peut requalifier l’opération en donation déguisée. Dans ce cas, des droits de mutation doivent alors être réglés en fonction du montant prêté. Pour éviter cette situation, il suffit d’enregistrer ce prêt au centre des impôts (à l’aide du formulaire Cerfa n2062). Cela coûte 125 euros mais permet à l’emprunteur de justifier l’origine des fonds perçus en cas de contrôle et de lui donner une date fiable. Un prêt doit de toute façon être déclaré par l’emprunteur à l’administration fiscale dès que son montant excède 760 euros. ­De son côté, le prêteur doit déclarer les intérêts qu’il touche. Ces derniers sont taxés au titre de l’impôt sur le revenu et aux prélèvements sociaux.

L’autre risque est familial. Les parents qui souhaitent respecter l’équité entre leurs enfants ont aussi intérêt à formaliser ce prêt. « Une reconnaissance de dette en bonne et due forme est le meilleur moyen de préserver l’harmonie familiale lors des successions. Autrement, certains frères et sœurs pourraient estimer que l’un d’entre eux a été favorisé », ajoute Murielle Gamet. Cet écrit, daté, signé et en double exemplaire, doit indiquer le montant du prêt en lettres et en chiffres ainsi que son échéance. Pour le rédiger, il est possible d’utiliser les modèles de contrat de prêt publiés sur le site des impôts ou encore de se faire aider par un notaire (il faut compter une centaine d’euros). « Ce prêt doit aussi comporter un taux d’intérêt, même faible, surtout si son montant est important, explique ­Sylvain Guillaud-Bataille, notaire à Paris. Pour être cohérent, il peut, par exemple, s’élever à 0,5 % ou à 1 %. »

Jurisprudence

Ce prêt peut être remboursé régulièrement ou même dans plusieurs années, le prêteur étant libre de fixer les échéances dès lors qu’elles sont réalistes. « En clair, il ne faut pas prévoir un remboursement dans trente ans lorsque l’on a 70 ans », relève Sylvain Guillaud-Bataille. L’an passé, une jurisprudence a d’ailleurs remis en cause un prêt réalisé entre un parent âgé et son enfant qui précisait qu’il devait être remboursé au décès du prêteur.

« Il ne faut pas prévoir un remboursement dans trente ans lorsque l’on a 70 ans »

« La Cour de cassation a estimé qu’il s’apparentait à une donation déguisée. Cela, parce qu’il n’était pas justifié par la situation de l’emprunteur, rendait aléatoire l’obligation de remboursement et ne semblait pas avoir d’autre motif que celle d’atténuer la charge fiscale », précise Murielle Gamet. Il faut aussi veiller à ce que les remboursements fixés soient respectés autant que possible et en conserver un écrit. Pour cela, il suffit de conserver les talons de chèque ou les relevés bancaires en cas de virement. Cela représentera une preuve en cas de contestation éventuelle d’un frère, d’une sœur ou du fisc.

Enfin, si ce prêt permet d’aider son enfant à acheter son logement, il faut prendre garde sur un point. « Les établissements bancaires sont plus ou moins ­regardants sur les prêts familiaux. Certains estiment qu’ils doivent être pris en compte pour apprécier le niveau d’endettement, ce qui n’est donc pas toujours avantageux pour l’emprunteur », précise Sylvain Guillaud-Bataille. Dans cette situation, il faut savoir que seule la donation permet de ne pas réduire sa capacité d’emprunt puisqu’elle est considérée comme un apport personnel.

Ce que dit la loi

De la donation au prêt familial, il existe différents moyens d’aider un enfant ou un petit-enfant. Ils n’impliquent pas les mêmes obligations, ni les mêmes conséquences.
La donation représente une avance sur la part d’héritage qui sera revalorisée au décès du donateur. Tous les quinze ans, chaque parent peut donner à son enfant jusqu’à 100 000 euros exonérés d’impôt. Parallèlement, chaque enfant peut recevoir, en exonération de droits, jusqu’à 31 865 euros de chacun de ses parents, grands-parents et arrière-grands-parents. Les conditions ? Le donateur doit avoir moins de 80 ans et celui qui reçoit doit être majeur. Il doit aussi s’agir uniquement d’une somme d’argent (en espèce, chèque, virement).
Pour aider un enfant sans léser ses frères ou sœurs, un parent peut lui faire un prêt qu’il remboursera tous les mois ou même dans quelques années. Le prêt familial doit comporter un taux d’intérêt, même faible. Il faut aussi le formaliser sous seing privé ou par un acte notarié et le déclarer aux impôts.