Des techniciens travaillent sur un Airbus A380 sur le site industriel de Blagnac, près de Toulouse. / REMY GABALDA / AFP

Grand ciel bleu sur Toulouse, mais quelques nuages au-dessus des usines d’Airbus alentour. Dans la Ville rose, les annonces du géant de l’aéronautique sont scrutées comme des bulletins météo, et le plan social annoncé mercredi 7 mars a provoqué des réactions mesurées.

Le comité central européen qui se tenait à Toulouse a en effet officialisé les baisses de cadences sur deux de ses programmes : l’A380 et l’avion militaire A400M. Cette réduction de la production affectera 3 700 postes sur les différents sites européens : en France, en Allemagne, en Espagne et au Royaume-Uni. Sur le département de la Haute-Garonne, c’est essentiellement l’usine d’assemblage de l’A380 à Blagnac qui est touchée. Quelque 320 postes, dont 250 « cols-bleus », ces ouvriers spécialisés qui travaillent sur la chaîne, et 70 « cols-blancs » – ingénieurs ou fonctions support autour de la production – seraient concernés par ce plan. Essentiellement des départs à la retraite non remplacés, le non-renouvellement des intérimaires et des CDD, des mesures de mobilité et de redéploiement. Certains emplois pourraient être rebasculés sur la production d’autres avions, comme l’A320 Neo.

Bénéfice de près de 2,9 milliards d’euros

Pour le syndicat majoritaire Force ouvrière (FO), qui fait partie du comité européen, « l’aspect médiatique donne du volume à l’affaire… qui n’en est pas une, affirme Yvonnick Dreno, coordinateur du syndicat. A Toulouse, ces deux programmes pèsent seulement 6 % de la production globale. Ce sont des difficultés gérables, même si l’on ne peut pas toujours parier sur l’avenir. »

Au début de l’année 2018, les personnels travaillant sur l’A380 avaient tremblé une première fois en apprenant une suspension éventuelle de sa production. La commande par Emirates Airlines de 20 super-jumbo au mois de janvier (plus 16 options) avait un peu rassuré, les livraisons de ces appareils de dernière génération assurant une production de six avions par an au cours des dix prochaines années.

Pour Michel Pierre, de la section CFDT Airbus Blagnac, « on s’attendait un peu à ce plan. Ici, l’impact est un peu dilué, mais la direction en profite pour préparer les collègues Anglais, Allemands et surtout Espagnols. Le site de Séville en Espagne, qui ne se consacre qu’à la production de l’A400M, va être le plus touché. » Airbus, qui a enregistré en 2017 un bénéfice de près de 2,9 milliards d’euros, rencontrera les syndicats le 11 avril afin d’aborder les mesures de reclassement.

« L’A380, une catastrophe industrielle »

« Nous attendons le bilan social qui sera publié fin mai, mais d’ores et déjà on peut dire que ces mesures sont assez scandaleuses, commentait pour sa part Christophe Lloret, délégué syndical CGT. Surtout, le programme A380, qui est pourtant un avion magnifique, s’oriente aujourd’hui vers une catastrophe industrielle. Au bout du bout, ce sont tout de même des emplois qui sont sacrifiés, essentiellement chez les intérimaires. »

Ces annonces du groupe, qui emploie 134 000 personnes dans le monde, dont près de 30 000 dans la région toulousaine, n’ont pas fait réagir outre-mesure le monde politique. Ni le maire de Toulouse Jean-Luc Moudenc (LR), ni la présidente socialiste de région Carole Delga, ne se sont exprimés. La veille, Philippe Couillard, le premier ministre canadien, était reçu par Mme Delga avant de se rendre sur le site de l’industriel, cinq mois après l’annonce de son rapprochement avec le constructeur canadien Bombardier. M. Couillard s’est entretenu avec Tom Enders, le PDG d’Airbus, avant de visiter les chaînes d’assemblage de l’A380.