Deux semaines après l’annulation par le tribunal administratif de la fermeture à la circulation des voies sur berge, la maire de Paris, Anne Hidalgo, vient de signer un nouvel arrêté afin de pérenniser l’une de ses mesures les plus emblématiques et aussi les plus contestées. Le texte, auquel Le Monde a eu accès, est entré en vigueur jeudi 8 mars en même temps que son affichage dans les mairies d’arrondissement.

Contrairement à l’arrêté d’octobre 2016 retoqué par le tribunal, le nouveau texte ne fait plus référence à un quelconque objectif de « réduction des émissions de polluants atmosphériques et d’amélioration de la santé publique », le grand motif invoqué par Mme Hidalgo pour justifier la piétonnisation de ces 3,3 kilomètres de quais sur la rive droite de la Seine.

Les juristes qui l’ont concocté se fondent cette fois uniquement sur des arguments patrimoniaux et touristiques. Ainsi, « l’interdiction de circulation des véhicules à moteur sur les quais bas des berges de la Seine contribue à préserver l’authenticité et l’intégrité du bien classé [au patrimoine mondial] », stipule le texte. Il considère que la circulation « compromet également la valorisation du site à des fins esthétiques et touristiques ».

L’arrêté emprunte les chemins du guide touristique lorsqu’il estime que l’interdiction de la circulation est « nécessaire à la mise en valeur du site, en permettant de déambuler le long de la Seine, sans interruption et en longeant les monuments les plus fréquentés de Paris avec une perspective visuelle inédite ». Il s’aventure même sur le terrain de la sensorialité, considérant qu’« une voie sans circulation de véhicules à moteur (…) dans le cœur de Paris, offre la possibilité de retrouver un accès direct au fleuve, de profiter d’un contact avec l’eau au cœur du milieu urbain dense et de disposer d’un îlot de fraîcheur unique par son échelle ».

Plus de considérations environnementales

« Cet arrêté ne vise pas à contourner la décision du tribunal, il en tire les conséquences et s’y adapte », explique-t-on à la mairie. Il n’empêche, en gommant toute référence à des considérations environnementales, la mairie s’évite le passage par une nouvelle étude d’impact dont les juges avaient estimé qu’elle comportait « des inexactitudes, des omissions et des insuffisances ».

Faut-il y voir un reniement ou un renoncement dans la politique de lutte contre la pollution de l’air à Paris ? « Absolument pas », assure-t-on à l’Hôtel De Ville. Dans l’entourage d’Anne Hidalgo, on regrette surtout que « le code de l’environnement ait été utilisé pour contester un projet qui a mis fin à une autoroute urbaine ».

Un avis partagé par l’ancienne ministre de l’environnement Corinne Lepage : « c’est dommage que le droit de l’environnement se retourne contre des projets qui vont précisément dans le sens de la protection de l’environnement et du long terme ». L’avocate dresse un parallèle avec le retard pris en France dans le développement de l’éolien : « On a eu le même problème avec l’éolien où le droit de l’environnement a été utilisé pour s’opposer à des projets car on estimait qu’ils portaient atteinte au paysage. » Pour Mme Lepage, « il y a une réflexion à mener pour donner des priorités car aujourd’hui le droit est pensé pour le court terme et non pour le long terme ».

55 % des Parisiens pour le maintien de la piétonnisation

La Mairie de Paris, elle, a jusqu’au 21 mai pour faire appel du jugement. D’ici-là, elle compte sur le soutien des Parisiens. Un sondage commandé à Ipsos et réalisé auprès de 1 000 personnes entre le 2 et le 6 mars montre ainsi que 55 % des Parisiens sont pour le maintien de la piétonnisation des berges et que 66 % sont favorables à la politique de réduction de la place de la voiture pour lutter contre la pollution.

Une partie d’entre eux a décidé de se mobiliser. L’association Respire et plusieurs collectifs appellent à un grand rassemblement samedi 15 mars sur les quais avec comme cri de ralliement « Des poussettes contre la pollution. Non au retour des voitures ».