La réforme créant Parcoursup prévoit la possibilité d’effectuer un semestre ou une année de césure dès son inscription dans l’enseignement supérieur, en conservant sa place. / MARTIN BUREAU / AFP

C’est une nouveauté de la rentrée 2018 : commencer ses études loin de l’université ou d’une école, par une année de césure entre la terminale et la première année d’enseignement supérieur. Un système qui existe déjà depuis la rentrée 2015 pour les étudiants du supérieur, qui peuvent faire un break d’une année ou d’un semestre pendant leur cursus, tout en conservant leur place et leurs droits.

Pionnière, c’est en 2008 que Cassandre Chartier a opté, bac L en poche, pour une année « off » qu’elle qualifie de « sauvage ». A 18 ans et pas trop d’idées sur le chemin à suivre pour poursuivre ses études, la néo-bachelière abandonne la fac de langue où elle s’était inscrite, faute de mieux, et se trouve un petit boulot pour mettre trois sous de côté. Elle traverse alors la Manche et expérimente le « wwoofing » : en échange du gîte et du couvert, elle participe à la vie d’un centre culturel. L’hiver arrive, elle trace une diagonale vers le Sud-Est, direction la Toscane, et poursuit son aventure dans un centre équestre.

En quelques mois, la lycéenne apprend « l’anglais », « la responsabilité », « l’autonomie », « l’indépendance », « la débrouille ». Cette année de césure, c’est pour Cassandre un master de maturité :

« Je suis revenue avec une énorme envie de reprendre des études et un projet bien défini. »

La jeune femme a, sans le savoir, défriché le concept de cette année un peu à part, répandu dans d’autres pays – on parle ainsi de gap year aux Etats-Unis –, dont les lycéens français, après le bac, vont pouvoir désormais bénéficier.

Comment ça marche ? La demande doit être réalisée par le futur étudiant lors de la saisie de ses vœux d’orientation sur la nouvelle plate-forme d’Admission post-bac, Parcoursup. Pour postuler, le lycéen doit cocher sur Parcoursup la case adéquate. Mais les établissements sollicités ne seront informés du projet du candidat qu’« au moment de l’inscription administrative », précise le ministère de l’enseignement supérieur. Son souhait d’une période de césure ne devrait donc pas affecter son orientation.

Toutefois, demander à faire une césure est une possibilité mais pas un droit. L’année – ou le semestre – de césure « est accordée ou non par le président ou le directeur de l’établissement, qui jugera de la pertinence du projet ». Si une convention est conclue entre le chef d’établissement et l’étudiant, ce dernier pourra intégrer l’école ou l’université à l’issue de la période convenue.

A quoi peut ressembler un projet de césure ? Dans les lycées, « les demandes de renseignement sur la césure post-bac sont déjà nombreuses », témoigne Ferroudja Kaci, conseillère d’orientation au Centre d’information et de documentation jeunesse (CIDJ), qui précise :

« Toutefois, nous constatons que cette année est souvent l’option du non-choix. Celui qu’on fait par défaut parce qu’on ne se sait pas où se diriger. »

Or, le lycéen qui envisage une année hors du cadre estudiantin doit présenter un projet qui a du sens, permettant d’acquérir une expérience qui alimentera le cursus d’études prévu ensuite. En aucun cas, ce break accordé ne doit prendre la forme d’une année de farniente.

Le projet peut prendre de nombreuses formes : comme Cassandra, il peut s’agir de voyager afin d’acquérir de nouvelles expériences et d’améliorer ses compétences en langues étrangères ; il peut également s’agir d’un projet entrepreneurial, associatif, ou encore civique, comme celui de Lily Grepinet, 18 ans, bachelière en 2017 et qui réalise aujourd’hui un service civique de cinq mois au sein de l’Association des jeunes Européens, structure dédiée à la sensibilisation, dans les écoles, aux valeurs européennes.

Pourquoi faut-il obtenir l’accord du chef d’établissement ? « Pour protéger l’étudiant », répond le ministère. « Beaucoup de lycéens se l’imaginent comme une année de vacances ou encore une échappatoire pour éviter ou repousser à plus tard la question de l’orientation », avance Ferroudja Kaci. Pour éviter que cette période ne prenne l’allure d’une année blanche ou d’un décrochage post-baccalauréat, non seulement l’étudiant devra conclure une convention avec l’établissement d’accueil où il s’est inscrit, mais il devra également présenter une restitution de son année ou semestre de césure. Celle-ci pourra prendre la forme d’un rapport, comme c’est déjà le cas dans le cadre d’un stage.

Quel statut pour l’étudiant en césure ? Bien qu’il n’ait pas encore réellement intégré l’enseignement supérieur, l’étudiant admis en césure post-bac aura le statut d’étudiant et ses avantages sur les frais de transport, un accès privilégié à la culture, aux restaurants universitaires… Toutefois, pour les étudiants répondant aux critères pour obtenir une bourse sur critères sociaux du Crous (Centre régional des œuvres universitaires et scolaires), le versement de celle-ci durant la période de césure n’est pas garanti. C’est le chef d’établissement qui jugera, « en fonction de la convention signée avec l’étudiant, au vu du projet », précise le ministère.

Quels sont les risques ? C’est par défaut d’orientation que de nombreux lycéens ont choisi par le passé d’improviser une année de césure. Pour certains, comme Cassandre, le break a été salutaire. Son année « off » lui a rendu l’envie d’étudier, que le lycée avait émoussée. Elle est aujourd’hui titulaire d’un master 2 en communication et employée dans une importante association étudiante.

Mais pour d’autres lycéens, l’année de césure officieusement prise a sonné la fin des études supérieures avant même qu’elles aient commencé. En 2016, Noëlla Taombé, son bac L en poche, s’engage ainsi dans une mission de service civique de huit mois, où elle enseigne le français à des demandeurs d’asile. « J’ai alors acquis de la liberté ; le droit de prendre des initiatives, de ne pas être d’accord et d’exposer mon point de vue. Je ne peux plus aujourd’hui reprendre le statut d’élève et repartir tout en bas d’une hiérarchie sans le droit d’être et d’exister », estime la jeune femme, aujourd’hui âgée de 22 ans.

C’est aussi le risque de l’année de césure, pour ceux qui accèdent à un job, une rémunération et l’indépendance qui en découle : le retour à la case études est parfois difficile, voire inenvisageable. L’année de césure cesse alors d’être une opportunité, mais un aller simple pour le décrochage.

« Le Monde » aide les jeunes à s’orienter vers les études supérieures

Pour aider les 16-25 ans, leurs familles et les enseignants à se formuler les bonnes questions au moment d’effectuer les vœux d’orientation, Le Monde organise les conférences O21/S’orienter au 21e siècle, à Paris (17 et 18 mars), après Nancy, Lille, Nantes et Bordeaux.

A la veille de la clôture des vœux sur la nouvelle plate-forme d’admission post-bac, Parcoursup, sera organisé un tchat en direct avec des psychologues du Centre d’information et d’orientation Mediacom, lundi 12 mars à 13 heures. A consulter également : notre rubrique Le Monde Campus, et tout particulièrement ses sous-rubriques O21, Etudes supérieures et Parcoursup APB.