La centrale au charbon de Belchatow, en Pologne, en 2013. / KACPER PEMPEL / REUTERS

Pour le moment, le calendrier de travail est respecté. Comme l’avait annoncé le vice-président de la Commission européenne Valdis Dombrovskis lors du sommet climat One Planet Summit, organisé le 12 décembre 2017 pour les deux ans de l’accord de Paris, Bruxelles publie sa feuille de route sur la finance verte. Dévoilé jeudi 8 mars, le document d’une vingtaine de pages développe différentes pistes pour intégrer l’impératif de lutte contre le réchauffement climatique dans les règles du jeu des marchés financiers.

Mais comme souvent avec la mécanique communautaire, l’annonce du 8 mars n’est qu’une étape dans un processus de plusieurs mois à l’issue duquel les Etats membres pourraient appliquer les préconisations de ce « plan d’action pour financer la croissance durable ». À courte échéance, c’est le Conseil européen des 22 et 23 mars qui va s’emparer du dossier : une conférence de haut niveau devrait être consacrée au sujet le 22 mars à Bruxelles.

« L’écart entre le besoin en financement climat et l’offre actuelle se chiffre à 179 milliards d’euros par an, soulignait Valdis Dombrovskis pendant le One Planet Summit. Cette somme ne pourra être compensée par les seules finances publiques, il faut la participation du secteur financier privé. » Mais les acteurs de la finance ayant peur du vide, il était crucial de baliser le terrain pour faciliter leur conversion vers des pratiques plus vertueuses.

« Développement résilient »

Fin 2016, la Commission a donc constitué un groupe d’experts européens sur la finance durable (dit groupe HLEG), d’une vingtaine de membres, chargé de réfléchir à cette évolution du secteur financier. Après un premier rapport intermédiaire publié en juillet 2017, le groupe a rendu ses conclusions définitives le 31 janvier.

Pour Pascal Canfin, le directeur du WWF France et l’un des quatre experts français intégrés au groupe de travail de la Commission, l’ambition « n’est pas d’aborder la finance verte comme un marché de niche, mais bien de transformer l’ensemble des acteurs financiers ». La démarche s’inscrit dans le cadre de l’accord de Paris, dont l’article 2 invite les Etats signataires à rendre « les flux financiers compatibles avec un profil d’évolution vers un développement à faible émission de gaz à effet de serre et résilient aux changements climatiques ».

A la tête du groupe HLEG, Christian Thimann, conseiller spécial auprès du président du groupe AXA, prône lui aussi un « changement systémique ». « Nous n’avons pas considéré un aspect de la finance durable en particulier, mais un ensemble de fonctionnements et un ensemble d’acteurs inhérents au système financier qui, si on met en œuvre les préconisations émises dans le rapport, peuvent changer le mode de fonctionnement de la finance », précisait-il fin janvier.

« Langue commune »

Comment ? L’une des idées du plan d’action européen est d’obliger les acteurs financiers à mieux prendre en compte les questions environnementales dans leurs politiques d’investissement. La question qui devrait agiter les instances communautaires est de savoir quels types de contraintes pourraient peser sur les investisseurs institutionnels et les gestionnaires d’actifs. Un autre axe retenu par Bruxelles consiste à dégager une « langue commune de la finance durable », afin de classifier les produits financiers en fonction de critères climatiques, environnementaux et sociaux, acceptés par les Vingt-Huit.

Ces deux mesures doivent faire l’objet d’une proposition législative de la Commission en mai. Un vote du Parlement européen sur la modification des règles prudentielles doit également intervenir ce mois-là. « La réglementation financière de l’UE ne fait actuellement pas de différence entre les investissements verts ou non », reconnaît-on à Bruxelles.

Parmi les autres pistes envisagées figurent la création d’un standard européen pour les produits financiers verts et la modification de la directive sur les agences de notation. « Aujourd’hui, les enjeux de long terme et de soutenabilité ne sont pas pris en compte par les agences de notation », observe Pascal Canfin. Pour le directeur du WWW France, la feuille de route présentée le 8 mars devrait permettre aussi d’y voir plus clair dans le jeu des différents acteurs du secteur. « Dix ans après la crise financière, on va voir s’ils sont ont changé leur mode de fonctionnement, s’ils sont au rendez-vous de l’urgence climatique », lance-t-il.

Le plan d’action de l’Europe sur la finance verte intervient enfin dans un contexte d’expansion des obligations vertes, ces emprunts qui financent des initiatives liées à la transition énergétique. En novembre dernier, les émissions de ces green bonds ont, pour la première fois, franchi la barre des 100 milliards de dollars, a pointé l’ONG Climate Bonds Initiative. Un essor qu’il faut tout de même pondérer par un autre chiffre : les obligations vertes ne représentaient, fin 2017, que 0,9 % du total des obligations émises à l’échelle mondiale.