Vingt-deux ans après les Jeux olympiques d’Atlanta où elle avait été sacrée championne olympique en canoë biplace (chez les hommes), celle qui s’appelait à l’époque Wilfrid Forgues refait à nouveau la « une » de L’Equipe, vendredi 9 mars. A 48 ans, Sandra Forgues est la première sportive française de haut niveau à raconter le parcours qui l’a amenée, il y a six mois, à réaliser sa transition.

« Je vis un rêve. Jusque-là, j’avais une vie sociale, familiale et professionnelle vraiment réussie. J’étais engagée dans un milliard de trucs. Mais ma vie intime était en prison, a expliqué Mme Forgues au quotidien sportif. En France, je suis la première. Mais je ne pense pas être la seule. »

« Le sport était un exutoire »

Sandra Forgues raconte que ses premiers souvenirs liés à son identité remontent à l’enfance, lorsqu’elle avait 6 ou 7 ans.

« Tous les soirs, je priais pour renaître en fille. J’avais des robes, des habits féminins que j’avais piqués ou fabriqués, que je planquais. […] Prendre l’apparence d’une femme a toujours été apaisant pour moi. »

Malgré ses questionnements, Sandra Forgues a vécu en homme, pendant des décennies. Elle s’est mariée, a eu deux enfants. Et a mené un « combat quotidien » contre elle-même.

« A chaque fois que je devais lutter contre moi-même, je me réfugiais dans le sport, dans mes capacités physiques qui étaient assez fortes. Je surjouais même. Je me forgeais un corps de “marines”. […] J’étais dans le refoulement, dans le mensonge.
[…] Pour moi, le sport était un exutoire, une façon de me dire, “mais si, tu es normal. Tu réussis, alors, arrête tes conneries”. Quand j’ai été sélectionné aux JO, je me suis dit, ça y est, tu es un vrai mec, tu es passé à autre chose. Mais on ne lutte pas contre soi-même. »

En septembre 2016, l’épouse de Sandra Forgues découvre par hasard ses affaires féminines à leur domicile. C’est cet incident qui la décidera, finalement, à sortir de son silence.

« Je pensais que ce serait difficile, eh bien non »

Dans le milieu sportif, son entourage tombe des nues. Frank Adisson, avec qui elle a été sacrée championne olympique, est le premier à être informé de sa décision. « D’entrée de jeu, il a été super bienveillant, explique Sandra Forgues. Tous mes potes ont pris une claque mais il y a cette intelligence du sport qui est de dire, il faut que je comprenne. »

Elle rencontre la même bienveillance au Centre de ressources, d’expertise et de performance sportive (Creps) de Toulouse, où elle est présidente du conseil d’administration.

« C’est moi qui ai pris une claque. Je pensais que ce serait très difficile, eh bien non. […] Tout le monde m’a officiellement demandé de poursuivre mes missions. »

Sandra Forgues regrette malgré tout « l’omerta très forte » qui règne dans le monde du sport concernant l’homosexualité ou la transidentité :

« En France, je suis la première [à révéler ma transidentité]. Mais je ne pense pas être la seule. Ce n’est pas le fait d’être la première qui m’intéresse, c’est le fait de ne pas être la seule. J’ai envie de transmettre un message de bonheur. »

A l’étranger, d’autres sportifs de haut niveau ont déjà effectué et révélé leur transition, telles Caitlyn Jenner, une ancienne décathlonienne américaine née Bruce Jenner, ou Philippa York, ancienne cycliste britannique née Robert Millar.