Emmanuel Macron, président de la République, devant le Parlement réuni en Congrès à Versailles, lundi 3 juillet 2017. / Jean-Claude Coutausse / french-politics pour "Le Monde"

Editorial du « Monde ». Réformer les institutions est toujours un exercice à haut risque. Lorsque, le 3 juillet 2017, le président de la République avait annoncé au Parlement son intention de réviser la Constitution, l’ambition était vigoureuse : moderniser le fonctionnement des pouvoirs publics pour les rendre plus « efficaces », plus « représentatifs » et plus « responsables ».

Outre des changements à peu près consensuels – suppression de la Cour de justice de la République et du droit des anciens présidents de la République de siéger au Conseil constitutionnel, réformes du Conseil supérieur de la magistrature et du Conseil économique, social et environnemental –, Emmanuel Macron entendait mener à bien trois réformes emblématiques et approuvées par les Français : réduction d’un tiers du nombre de députés et de sénateurs, introduction d’une dose de proportionnelle dans le scrutin législatif et limitation à trois mandats successifs pour les parlementaires et les présidents d’exécutifs locaux. Sans entrer dans le détail, il souhaitait aussi accélérer la procédure d’élaboration des lois. Enfin, la mention de la Corse dans la Constitution et l’élargissement du droit à l’expérimentation des collectivités locales se sont, depuis, ajoutés au menu.

Mais, plus le chantier se précise, plus les difficultés s’amoncellent. Pour des raisons juridiques, d’abord. La plupart de ces réformes sont de nature constitutionnelle et entraînent une révision de la Loi fondamentale, laquelle suppose l’accord du Sénat, quelle que soit la procédure utilisée (vote du Congrès à la majorité des 3/5es ou référendum). La réduction du nombre de parlementaires relève de la loi organique et implique aussi l’accord des sénateurs, puisqu’ils sont concernés. Seule la modification du scrutin législatif relève de la loi ordinaire et peut se dispenser de l’aval du Sénat.

Musellement des contre-pouvoirs

Peu ou prou, l’assentiment du Sénat est donc déterminant. Or il est très loin d’être acquis. Pour d’évidentes raisons politiques, la majorité de droite du Palais du Luxembourg n’est guère encline à faire cadeau au chef de l’Etat de la réussite d’une réforme d’ampleur. Le président du Sénat, Gérard Larcher, s’est donc érigé en défenseur pugnace des droits des parlementaires, refusant catégoriquement la limitation du cumul des mandats dans le temps et exigeant que la diminution du nombre de députés et de sénateurs ne nuise pas à la représentation équitable des territoires.

Le climat risque fort de se dégrader un peu plus depuis que le gouvernement a précisé sa volonté de rationaliser le travail des parlementaires, notamment en restreignant leur droit d’amendement : il veut, d’une part, interdire, lors de la discussion d’un texte en séance publique, le dépôt d’un amendement déjà rejeté en commission et, d’autre part, limiter le nombre d’amendements de chaque groupe proportionnellement au nombre de ses élus, ce qui réduirait d’autant la capacité d’intervention des groupes minoritaires.

L’intention est compréhensible : limiter la capacité d’obstruction dont usent et bien souvent abusent toutes les oppositions. Mais, en encadrant ainsi le droit d’amendement – dont le principe est posé par l’article 44 de la Constitution –, le gouvernement ne peut que braquer davantage les parlementaires et rendre plus aléatoire encore le sort de sa réforme. Si la recherche de l’efficacité est légitime, elle ne saurait justifier le musellement des contre-pouvoirs, aussi agaçants soient-ils. Mieux vaut convaincre que contraindre.