Les supporteurs du Celtic Glasgow, le 11 mars 2018. / RUSSELL CHEYNE / REUTERS

Cent trente ans après le premier « Old Firm » (surnom des rencontres entre les deux formations de la ville de Glasgow), le Celtic a battu les Rangers, dimanche 11 mars (3-2), et mis la main sur le 411e derby de la ville écossaise (sa 153e victoire, contre 159 pour les Light Blues). Avec ce succès, le Celtic se rapproche un peu plus d’un septième titre de champion de suite. Les Rangers, deuxièmes, comptent désormais neuf points de retard, avec un match en plus sur leurs adversaires du jour.

Cela fait presque six ans, et une victoire 3-2 le 25 mars 2012, que les Rangers n’ont pas battu le Celtic et remporté ce fameux derby« Old Firm », l’une des plus fortes rivalités dans l’Europe du football. Depuis, les deux équipes se sont affrontées douze fois (en raison notamment de la rétrogradation administrative des Rangers en quatrième division, en 2012) pour neuf victoires du Celtic et trois matchs nuls.

Pourtant les choses avaient mal commencé pour les Bhoys du Celtic. Rapidement menés (Josh Windass, 3e) après une erreur défensive, les hommes de Brendan Rogers sont vite revenus à la marque grâce à une frappe magnifique de Tom Rogic (11e), avant de voir les Rangers reprendre l’avantage (Daniel Cadeias, 26e).

Le but de Moussa Dembélé, dans les arrêts de jeu de la première période, a permis aux deux équipes de rejoindre le vestiaire sur le score de 2 à 2. Réduit à dix après l’exclusion de Jozo Simunovic en début de seconde période pour un coup de coude (57e), le Celtic a cependant réussi à prendre l’avantage grâce à son autre Français, Odsonne Edouard (69e), avant de tenir jusqu’au bout pour remporter la rencontre.

Rivalité historique

Une nouvelle défaite qui fait mal, côté Rangers, car, dans ce derby bouillant, le football n’est pas le seul enjeu.

« On voit des grands-parents venir avec leurs petits-fils dans une opposition entre catholiques et protestants, expliquait l’ancien joueur du Celtic Didier Agathe dans So Foot, en décembre dernier, lors du premier match de la saison entre les deux équipes. On entend en continu des chants contre le pape ou la Vierge Marie, c’est malsain et cela respire la haine. »

« Oui, on adore les détester, reconnaissait Andrew Moore, fidèle des Gers, à propos des supporteurs du Celtic, quand on l’avait rencontré en 2017. C’est peut-être excessif, mais cela existe aussi dans d’autres grandes villes, comme à Manchester. Ça ne changera pas. » Un discours que l’on retrouve notamment dans un documentaire de Vice, en 2012.

Football's Most Dangerous Rivalry
Durée : 45:05

Dimanche, dans le préambule de son direct du match, le quotidien britannique The Guardian a listé 27 synonymes du mot « haine » qui « ne veulent rien dire à côté d’un match entre les Rangers et le Celtic ». Dans cette ville de 600 000 habitants, ce match de foot est bien plus qu’un simple match de foot, continue Libération.

« Il se joue également sur les terrains de la religion et de l’identité nationale : les Bhoys sont pour beaucoup des cathos descendants de la vague d’immigration irlandaise du XIXe siècle tandis que leurs adversaires sont protestants et fidèles à la couronne d’Angleterre. Quand ces choses-là entrent en jeu, forcément, les passions s’exaltent. Ça explique ce truc de fous furieux qu’est ce derby. »

Deux clubs pas ennemis au départ

Pourtant les deux clubs et leurs supporteurs n’ont pas toujours été ennemis. La discorde remonte à 1912, note le Telegraph britannique, qui explique que « l’ouverture d’un chantier naval à Govan par les constructeurs navals de Belfast Harland & Wolff en 1912 est généralement identifiée comme le facteur qui a inséré la politique irlandaise à Glasgow. Les événements ultérieurs en Irlande, tels que l’insurrection de Pâques en 1916 et les pertes disproportionnées des régiments écossais et nord-irlandais dans la Somme ont contribué au durcissement des comportements en Ecosse. C’est durant cette période que les Rangers ont sciemment adopté une politique tacite consistant à ne pas faire signer de joueurs catholiques, ce qui a persisté jusqu’à ce que Graeme Souness recrute Mo Johnston en juillet 1989 ».

L’historienne française Géraldine Vaughan écrit que « toutefois, les premières manifestations de ce conflit politico-religieux sont bien plus lointaines, et peuvent être retracées dans les années 1890 », soit quelques années seulement après la création des deux clubs.

Cette rivalité est sans doute exacerbée par le fait que les deux équipes dominent le championnat écossais depuis plus d’un siècle. Les Rangers ont été sacrés champions 54 fois (la dernière fois, c’était en 2011), et le Celtic a remporté le titre à 48 reprises. Très loin derrière, trois autres clubs ont remporté le titre à quatre reprises seulement, et aucun autre que le Celtic ou les Rangers ne l’a fait depuis Aberdeen en 1985.

Si la course pour le titre semble jouée, et qu’un 49e championnat (le septième d’affilée) tend les bras au Celtic, les Rangers pourront toujours se venger en avril, en demi-finales de la Coupe d’Ecosse : une belle occasion de se rapprocher du record de victoires du Celtic dans cette compétition (37 à 33 pour les Bhoys actuellement). Dans le football écossais, tout, ou presque, est une question d’« Old Firm ».