Les Français après leur victoire, à Saint-Denis, samedi 10 mars. / CHRISTOPHE SIMON / AFP

Information trafic : une rupture de caténaire immobilise tous les trains du RER D. Mais cette annonce du speakeur est un détail. Si les gradins se vident moins rapidement que lors des précédents matchs, c’est pour acclamer les joueurs du XV de France, samedi 10 mars : déjà victorieux à Marseille contre l’Italie, les Français viennent de confirmer par un succès sur un adversaire d’un tout autre tonnage, l’Angleterre (22-16).

Que les joueurs aient envie de prolonger le plaisir sur la pelouse, qui en agitant un drapeau tricolore, qui en saluant de la main, cela se comprend au vu de cet avant-dernier match du Tournoi des six nations. Cette victoire redonne confiance à un XV de France, à un public jusque-là plus accoutumés aux broncas qu’aux vivats.

Dans le jargon sportif, jamais avare en expressions toutes faites, on pourrait appeler ça une victoire référence. De celles qui vous légitiment, qui vous offrent du crédit pour la suite. Surtout pour un groupe qui avait enchaîné huit matchs sans victoire jusqu’à son récent succès, il y a deux semaines, contre les Italiens.

Les journalistes avaient quitté Sébastien Vahaamahina tête basse après la défaite en Ecosse. Ils le retrouvent souriant : « La confiance revient petit à petit, confirme le deuxième-ligne de Clermont. » François Trinh-Duc, l’ouvreur toulonnais, savoure « un vrai exploit, une vraie joie de pouvoir enchaîner une deuxième victoire. » A plus forte raison lors d’un « Crunch », comme l’on dit d’un match France-Angleterre.

« Le début de quelque chose »

Les Anglais, 2e au classement mondial, restaient déjà sur une défaite contre l’Ecosse. Celle contre la France a quelque chose d’exceptionnel : voilà seulement la troisième défaite du XV de la Rose en 27 tests-matchs depuis l’arrivée d’Eddie Jones à la tête de la sélection. « Tout le monde nous voyait perdant contre l’Angleterre », fait observer Vahaamahina, qui résume à peu de chose près le discrédit autour du XV de France.

La fin de la sinistrose, le début d’une nouvelle dynamique ? « Ouais, ça peut être le début de quelque chose, veut croire l’ailier clermontois Rémy Grosso, très en jambes cet après-midi au point d’avoir été désigné homme du match. S’il faut noter des matchs sur un calendrier, je pense qu’aujourd’hui on peut cocher celui-là. » Avant d’ajouter, avec une lucidité de bon aloi : « Faut pas s’enflammer, on est conscient qu’il y a encore du travail. »

Côté positif : la défense du XV de France a fini par « prendre le pas sur l’attaque » de l’Angleterre (selon le centre Geoffrey Doumayrou, reconnaissant envers ses coéquipiers des lignes avant). Les joueurs ont également su se remobiliser en fin de match pour éviter de laisser filer la victoire, à l’inverse des dénouements rageants contre l’Irlande puis l’Ecosse : « On sait maintenant comment gagner les matchs », acquiesce Sébastien Vahaamahina.

Le Clermontois ajoute :

« Déjà, on arrive à se trouver beaucoup mieux sur le terrain. Il y a une bonne communication entre nous, personne ne veut faire gagner l’équipe de France à lui tout seul. C’est peut-être ce truc qui manquait. »

« On va se faire un peu plus respecter »

Ce groupe travaille ensemble depuis moins d’un mois à peine : Jacques Brunel, nommé sélectionneur fin 2017 après le limogeage express de Guy Novès, l’a composé à la hâte. Non sans avoir préalablement exclu huit joueurs ayant un peu trop arrosé leur soirée post-défaite en Ecosse, le 11 février, certains d’entre eux ayant même été entendus par la police d’Edimbourg comme témoins potentiels après un signalement d’agression sexuelle.

Pour en revenir au terrain, Jean-Baptiste Elissalde note aussi plusieurs défauts persistants. Notamment cette incapacité par moments, dans « les animations offensives », selon l’entraîneur des arrières, à conclure près de l’en-but adverse. Plusieurs occasions pour le XV de France, mais seulement un essai d’inscrit : un essai de pénalité accordé après un plaquage haut d’Anthony Watson sur Benjamin Fall (48e minute, 16-9). L’Angleterre a réagi, mais trop tard : essai de Jonny May à six minutes du terme (73e, 19-16).

D’où la joie du Rochelais Geoffrey Doumayrou : « On sentait que ce match, on le tenait. Tout le monde nous a craché dessus depuis un moment et là, on tient une bonne performance. On va se faire un peu plus respecter. » Un regain de crédibilité plutôt bienvenu avant de clore le Tournoi, dans une semaine, le 17 mars, au pays de Galles. Le XV de France vient de remonter à la troisième place de la compétition, déjà acquise cette année à l’Irlande (quatre victoires sur quatre possibles).