Kim Jong-un, à Pyongyang, et Donald Trump, à Varsovie, le 6 juillet 2017. / SAUL LOEB / AFP

Editorial du « Monde ». Le sommet Trump-Kim aura-t-il lieu ? Quatre jours après l’annonce aussi tonitruante qu’extravagante de l’acceptation par le président des Etats-Unis d’une rencontre avec le dictateur de Corée du Nord, nul n’est capable de le prédire. Compte tenu de la personnalité des deux protagonistes, ce coup de théâtre diplomatique peut se traduire aussi bien par un succès retentissant que par un désastreux fiasco.

Résumons les faits. Dans son message de Nouvel An, le Nord-Coréen, Kim Jong-un, fait passer derrière sa rhétorique guerrière habituelle un message d’ouverture à l’égard de la Corée du Sud. A Séoul, le nouveau président Moon Jae-in n’attend que cela : il est partisan de la détente avec Pyongyang. En février, les Jeux olympiques d’hiver en Corée du sud servent de tremplin à ce dialogue. Début mars, les émissaires du président Moon se rendent à Pyongyang, où ils sont reçus par Kim, qui leur fait part de son souhait de rencontrer le président Moon en avril, puis le président Trump pour parler de la dénucléari­sation de la péninsule. Les émissaires vont à Washington transmettre le message. Donald Trump les reçoit ­immédiatement et accepte, le jour même, la proposition de Kim Jong-un ainsi relayée – une première dans l’histoire – prenant de court ses propres ministres et conseillers.

Obtenir un allégement des sanctions

A quoi attribuer ce changement de pied nord-coréen ? « A moi », a répondu Donald Trump. Il n’est pas impossible, en effet, que la manière forte pratiquée à Washington, mélange de menaces, de fermeté et de sanctions de l’ONU, à l’égard de Pyongyang ait fini parfaire réfléchir la Corée du Nord. Il est également probable que, une fois son programme nucléaire militaire mené à bien, Kim Jong-un souhaite à présent installer une trêve pour s’attaquer à la situation économique de son pays et obtenir un allégement des sanctions.

La majorité des experts de la crise nord-coréenne, défi pour la région et la diplomatie américaine depuis trois décennies, conseillent néanmoins la plus grande prudence. Ils font valoir que l’annonce de ce sommet permet déjà à Pyongyang de marquer un point capital, celui de placer sur un pied d’égalité le jeune dictateur du pays le plus fermé du monde, héritier d’une dynastie de tyrans, qui a acquis l’arme nucléaire en dépit de touts les mises en garde de l’ONU, et le président élu de la première puissance militaire mondiale.

Prudence et trumpisme, toutefois, ne font pas bon ménage. M. Trump n’a pour l’instant demandé aucune contrepartie aux Nord-Coréens en échange de ce cadeau. Il compte sur son talent personnel pour le « deal ». Il lui reste deux mois, à lui et à ses équipes, pour mettre sur pied une stratégie pour l’instant totalement inexistante, la coordonner avec celle de l’allié sud-coréen qui, avec le président Moon, a pris les devants sur Washington, et ménager l’anxiété de l’autre grand allié dans la région, le Japon. En diplomatie, deux mois, pour une négociation pareille, c’est très peu. Au poker, tout est possible. Bienvenue dans le monde de Donald Trump.