De gauche à droite : Nicole Perlman, Clifford Johnson, Joe Robert Cole et Rick Loverd. / P. C. pour Le Monde

Thor, le dieu héros asgardien de Marvel a beau voyager dans la galaxie et utiliser un marteau magique, certains de ses exploits sont tout de même assis sur de sérieuses bases scientifiques. Les scénaristes du film du même nom ont eu recours à des universitaires pour rendre crédible la physicienne Jane Porter, incarnée par Natalie Portman, mais aussi pour calquer les voyages spatio-temporels de Thor entre la Terre et son royaume d’Asgard sur la théorie du pont d’Einstein-Rosen. Des chercheurs volontaires du programme « Science & Entertainment Exchange », organisé par l’Académie nationale des sciences américaine.

Thor - Bande annonce [VF|HD]
Durée : 01:47

Ce programme gratuit « parce que nous sommes conscients que notre principal concurrent est Wikipedia » selon son directeur, Rick Loverd, a, depuis sa création en 2008, réalisé plus de 1 900 consultations, dont un grand nombre pour les studios Marvel. Un service auquel peuvent aussi recourir romanciers et créateurs de jeux vidéo.

Sable cinétique et nanotechnologies

Depuis une dizaine d’années, les blockbusters de Marvel essaient de mieux s’ancrer dans des faits scientifiques. C’est en tout cas ce qu’assurent les scénaristes et les consultants scientifiques d’Hollywood réunis autour d’une conférence sur la question, samedi 10 mars, au festival South by Southwest (SXSW), à Austin (Texas).

« On ne peut pas tout expliquer dans une histoire par le hasard ou la magie. Utiliser la science et des références plus terre à terre, permet de résoudre des impasses de narration », explique Nicole Perlman, éminente scénariste qui a planché sur la théorie du pont Einstein-Rosen pour Thor mais qui a également travaillé sur les Gardiens de la galaxie et l’attendu Captain Marvel. Clifford Johnson, physicien et consultant sur les plateaux de tournage abonde :

« Si on peut intéresser le public à la science, à des phénomènes qui existent en plus de leur raconter une bonne histoire, c’est un énorme bonus. »

D’après les intervenants, la science regorge d’éléments suffisamment extraordinaires pour qu’il ne soit pas nécessaire de les inventer. Ainsi, Joe Robert Cole, qui a coécrit le film Black Panther, a-t-il travaillé avec des scientifiques pour donner une version plausible des technologies futuristes du Wakanda.

« Il s’agissait de voir comment la science serait approchée par une culture autre qu’occidentale. C’est pour cela, par exemple, que nous avons eu recours au sable cinétique comme élément central dans le laboratoire de Shuri. Nous avons aussi échangé avec un institut des nanotechnologies de Los Angeles pour travailler le costume de T’Challa et ses propriétés. »

Black Panther - Nouvelle bande-annonce (VF)
Durée : 02:29

Le droit à l’imprécision

Un sens du détail scientifique qui amène Nicole Perlman à « s’énerver à chaque fois qu’elle voit une explosion en plein espace dans un film ». Toutefois, les scénaristes défendent le droit de recourir à des imprécisions qui « serviront mieux l’expérience et l’émotion du public », selon Joe Robert Cole. « Gravity en est un bon exemple, selon Clifford Johnson. Il y a des erreurs mais cela reste terriblement inspirant. Tout est question d’équilibre. »

Pour les participants à cette table ronde, la responsabilité des scénaristes en matière de rigueur et de précision réside moins dans la science que dans son impact sur la société : « Nous nous devons de ne pas perpétuer les stéréotypes, insiste Nicole Perlman. Notamment dans la représentation qui est faite des scientifiques dans les films. La vérité est qu’il ne s’agit pas seulement d’hommes sans amis enfermés dans leur labo. » Mais aussi de souligner l’importance que peuvent revêtir des personnages comme Jane Foster ou Shuri, la petite sœur ingénieure de Black Panther : « Si tu le vois, tu peux le croire. Si, étant enfant tu vois des esprits brillants comme ces deux personnages faire des choses techniques incroyables, cela peut te rester en tête », avance Joe Robert Cole.

Un avis partagé par le directeur du programme d’échange scientifique, Rick Loverd :

« Aujourd’hui, quand on va dans des laboratoires scientifiques, il y a des posters de “Star Trek” et des références à la culture sci-fi. Si, dans quelques années, quand j’aurai des cheveux blancs, je peux retourner dans ces labos et y voir quelques personnages sur lesquels j’aurai aidé d’une quelconque manière, il n’y aura pas de mots pour décrire ça, et le but de notre programme aura été atteint. »