La ministre des outre-mer Annick Girardin s’adresse aux manifestants place de la République à Mamoudzou le 12 mars. / ORNELLA LAMBERTI / AFP

Parviendront-ils, sinon à s’entendre, au moins à s’écouter ? Arrivée lundi 12 mars dans la matinée à Mayotte, Annick Girardin aura eu toutes les peines du monde à faire entendre sa voix bien que clamant sans discontinuer sa volonté de « renouer le dialogue ». Si une rencontre a finalement eu lieu, en fin d’après-midi, à la résidence du préfet, entre la ministre des outre-mer et une petite vingtaine d’élus du département, les membres du collectif des citoyens et de l’intersyndicale qui animent le mouvement engagé depuis le 20 février ont, eux, refusé, jusqu’à présent, de répondre à ses appels.

Mme Girardin n’ignorait sans doute pas que son déplacement ne serait pas de tout repos. Elle n’a pas été déçue. Dès son arrivée à 9 h 40 à l’aéroport de Dzaoudzi, à Petite-Terre, elle se heurte à un premier barrage. La ministre engage alors directement la discussion, assise à même le sol et dans la confusion, avec les manifestants et notamment les femmes, nombreuses sur les barrages. D’un côté, une volonté de rassurer, de convaincre ; de l’autre, un flot de doléances, de drames personnels et de scepticisme dans sa capacité à faire bouger les choses.

Revêtue d’un salouva

Ce n’est que trois heures plus tard qu’elle parvient enfin à Grande-Terre, à bord de la barge qui effectue la liaison régulière – de moins en moins ces derniers temps – entre les deux îles. La ministre avait donné rendez-vous aux Mahorais place de la République, près du débarcadère de Mamoudzou, pour s’adresser à eux. A l’heure dite, il n’y a pas foule. Revêtue d’un salouva, la tenue traditionnelle des femmes mahoraises, la ministre va une nouvelle fois au contact, encaissant stoïquement un déluge d’interpellations, parfois véhémentes, de reproches, souvent, ayant la plus grande peine à se faire entendre même avec un mégaphone. Elle quitte alors la place sous les huées d’une partie du public présent… et une violente averse tropicale.

La ministre Annick Girardin à Mayotte le 12 mars. / ORNELLA LAMBERTI / AFP

Pour être conduite, à pied, au conseil départemental, où elle-même, arrivée sur place, ne sait pas trop ce qu’elle a à y faire, puisque, en fait, cette étape n’était pas prévue à son programme. Dans un hémicycle vide, elle a pris toutefois le temps de converser avec une poignée de femmes mahoraises qui s’étaient invitées dans le cortège. Puis direction la Maison de l’entreprise pour un entretien de près d’une heure avec les représentants des milieux économiques. Avant de retourner à Petite-Terre, cette fois à bord d’une embarcation officielle.

Là commence une longue attente. Mme Girardin espérait pouvoir dialoguer avec les élus, les représentants des syndicats et du collectif, pour engager, selon ses termes, « une nouvelle méthode de travail ». Mais le fragile front des élus s’est fissuré, suscitant la colère des collectifs, qui se sont estimés « trahis » par ceux qui acceptaient d’aller dialoguer avec la ministre et les trois missionnaires qui l’accompagnent. Le collectif et l’intersyndicale, eux, ont refusé de « cautionner le mépris avec lequel Mme la ministre continue à traiter toute la population de Mayotte ». Estimant qu’elle n’a « aucune intention de mener de véritables négociations », ils ont dénoncé une « mascarade ».

Coincés par les barrages

Faute d’interlocuteurs, et en attendant les élus encore coincés par les barrages, c’est donc à la presse que Mme Girardin a donné la primeur des premières mesures d’urgence contre l’insécurité et pour renforcer la lutte contre l’immigration clandestine. Soixante gendarmes supplémentaires vont ainsi être maintenus sur le territoire jusqu’à la fin de l’année scolaire, un demi-escadron de gendarmes mobiles va être pérennisé, une brigade de gendarmerie va être créée à Koungou, et de nouveaux renforts de dix policiers et de seize gendarmes vont arriver d’ici au 1er août pour être affectés à la brigade de prévention de la délinquance juvénile. D’autres dispositions sont prévues pour déployer à Mayotte la police du quotidien.

En ce qui concerne la lutte contre l’immigration clandestine, un état-major opérationnel va être créé, la marine nationale envoie un navire patrouilleur, les capacités d’appui aérien sont renforcées. La ministre a également annoncé l’« engagement immédiat d’un plan de destruction des constructions illégales dans les zones naturelles ».

Alors qu’elle devait repartir en métropole lundi soir, Mme Girardin a décidé de rester une journée de plus et lancé une nouvelle invitation aux représentants du collectif et de l’intersyndicale. Viendront ? Viendront pas ? Selon nos informations, ils devraient cette fois accepter « la main tendue ».