La Halle civique, tiers-lieu dédié à l’expérimentation de nouvelles pratiques de démocratie participative et du débat public, est installée à Belleville, Paris. / Claire Legros / LE MONDE

Peinture fraîche et baies vitrées ouvertes sur la capitale. Dans la panoplie des tiers-lieux et incubateurs parisiens, la Halle civique, inaugurée dans l’ancienne Maison de l’air et de l’environnement du parc de Belleville, lundi 12 mars, tient une place à part. Non pas à cause de sa vue imprenable sur les toits de Paris, le centre Georges-Pompidou et la tour Montparnasse, un rêve de promoteur immobilier, mais parce que les 650 m2 de ce nouvel espace de coworking accueillent une vingtaine d’organisations qui partagent la même ambition : renforcer le pouvoir d’agir des citoyens et les remettre au cœur des politiques publiques.

Au premier étage, l’équipe du collectif Démocratie ouverte prépare la deuxième édition du Printemps citoyen, une série d’événements organisés du 21 mars au 4 avril dans toute la France pour « nourrir le débat démocratique ». Dans le bureau voisin, des membres de Kawaa, une entreprise du secteur de l’économie sociale et solidaire, actualise le programme de la Nuit des débats organisée par la Mairie de Paris le 24 mars. La start-up a développé une plate-forme en ligne qui permet de susciter des rencontres dans la vie réelle. Au rez-de-chaussée, les salles devraient accueillir bientôt des ateliers avec des habitants du quartier ainsi que des séminaires d’ingénierie de la concertation (université Panthéon-Sorbonne) du sociologue Loïc Blondiaux, dont certains étudiants s’installeront à Belleville en résidence.

L’idée d’un tiers-lieu spécialisé dans l’innovation démocratique s’inspire au départ du Civic Hall de New York, vaste incubateur de start-up spécialisées dans les « civic tech », des technologies visant à redonner du pouvoir aux citoyens. Mais la comparaison avec le grand frère américain s’arrête assez vite. « Il y a une différence de culture très nette entre la France et les Etats-Unis dans le domaine de l’innovation civique, constate Kévin André, cofondateur de Kawaa. Personne n’avait envie de créer un énième espace d’incubation orienté business sur une thématique comme la démocratie. »

Protection des données personnelles

L’un des principaux enjeux de la démocratie numérique touche en effet à la protection des données personnelles des utilisateurs. Le collectif choisi par la Ville de Paris veut développer « une proposition alternative, qui ne repose pas sur l’utilisation de données personnelles comme c’est le cas aujourd’hui pour des plates-formes telles que Change.org ou Avaaz », dit Armel Le Coz, l’un des fondateurs de Démocratie ouverte, qui a développé un incubateur de start-up dédié à la participation citoyenne.

Le collectif veut aussi laisser une large place à l’innovation démocratique sous toutes ses formes, numériques mais pas seulement. « Il n’y a pas que la tech dans la vie démocratique », résume Stéphane Vincent, fondateur de La 27e Région, qui travaille depuis 2009 avec des collectivités pour concevoir des politiques publiques associant les élus, les administrations et les citoyens.

Le contrat avec la Ville de Paris est signé pour une durée de trois ans : la Mairie offre le toit, assorti d’une subvention de 50 000 euros pour l’installation dans le bâtiment. A charge pour les résidents de trouver des financements pour leur développement. La plupart des civic tech françaises vivent du financement participatif, de contrats avec les collectivités, et pour certaines de partenariats avec des fondations philanthropiques, comme celle de Michael Bloomberg, l’ancien maire de New York. Mais ce modèle économique reste fragile. « Il nous manque des fondations du même genre en France, qui pourraient investir dans l’innovation démocratique », constate Stéphane Vincent, dont La 27e Région a été repérée par la fondation Bloomberg en 2017. Les résidents espèrent aussi que la Halle apportera une visibilité à leurs travaux, notamment à l’international.