La Bulgare Mariya Gabriel, commissaire à l’économie et la société numériques, le 8 mars, à Bruxelles. / EMMANUEL DUNAND / AFP

Si certains pays, dont la France, sont en pointe sur le dossier et se préparent à légiférer pour éviter la diffusion de fausses informations – avec un éventuel déréférencement de sites et/ou le retrait obligatoire de contenus –, la Commission européenne, elle, consulte, s’informe… En vue d’être « prête à agir », affirme la commissaire à l’économie et la société numériques, la Bulgare Mariya Gabriel, qui devrait présenter un projet concret dans les semaines à venir.

En attendant, elle a publié, lundi 12 mars, le rapport d’un groupe d’experts indépendants qui suggèrent des définitions du phénomène et formulent des recommandations, adressées aux plates-formes en ligne et aux réseaux sociaux. Suivront une « communication » et des « options tangibles ». A ce stade, Bruxelles privilégie une approche douce – certains la qualifient de trop optimiste –, à base d’autorégulation et de bon vouloir.

Ce code de bonnes pratiques – qui préfère éviter le terme « fake news », trop vague aux yeux des experts, professeurs, journalistes, membres des plates-formes en ligne… – souligne le danger pour la démocratie, la science, l’éducation ou la santé d’un tel phénomène.

Une dizaine de principes avancés

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Pour répliquer à la désinformation, il avance une dizaine de principes. Parmi ces recommandations, le recours à des journalistes capables de décoder et corriger une nouvelle – et éventuellement formés dans cette optique, avec l’apport de fonds publics – ; la sauvegarde de la diversité du paysage médiatique ; l’obligation, pour les plates-formes, d’assurer la transparence sur leur mode de sélection des informations ; l’accès facilité des usagers à des informations fiables et recoupées, etc. « Surtout en période électorale », insistent les experts, sans toutefois pointer du doigt la Russie et certains de ses relais, ou d’autres acteurs susceptibles d’intervenir dans les processus démocratiques.

La Commission espère « agir au mieux » avant les prochaines échéances, dont le scrutin européen de mars 2019. Concrètement, que pourrait-il se passer si une fausse information est délibérément diffusée ? A cette question, Mme Gabriel répond que ses services travaillent sur cette question « à dimensions multiples ». En clair, Bruxelles ne légiférera pas – ce qui s’avérerait d’ailleurs très difficile. Il faudra voir, dès lors, si ses appels aux « bonnes pratiques » ont la moindre chance d’être entendus ou si, comme d’autres tentatives de régulation, elles seront contournées, voire oubliées.

« Un signal dangereux »

A ce stade, la Commission n’évoque pas le « devoir de coopération » que la France, par exemple, pourrait tenter d’imposer aux réseaux sociaux, aux plates-formes et aux fournisseurs d’accès à Internet, avec, à la clé, un système de signalement d’une fausse information et la transmission, par la suite, de ce renseignement aux autorités publiques.

Le code de conduite européen auquel, espèrent les experts et la commissaire, pourraient souscrire les acteurs du secteur devrait, en tout état de cause, entrer en vigueur au début de 2019, quitte à être ensuite enrichi et soumis à un mécanisme de vérification.

« Tout le monde attend désormais que la Commission joue son rôle. Une approche trop douce, essentiellement favorable aux plates-formes, découragerait beaucoup de monde et enverrait un signal dangereux à ceux qui répandent des fausses nouvelles ou se livrent à de la propagande », explique Christophe Deloire, secrétaire général de Reporters sans frontières, l’une des organisations qui ont participé aux débats.

Désir de réforme

Mme Gabriel peut, en tout cas, appuyer son désir de réforme sur les réponses que 3 000 personnes ont adressées à la Commission, et sur un récent Eurobaromètre, pour lequel 26 000 citoyens ont été interrogés. Quelque 83 % d’entre eux jugent que les « fake news » représentent un véritable danger pour les institutions démocratiques. Si les médias en ligne ne sont jugés fiables que par 26 % des intervenants et les sites de vidéos par 27 %, la presse imprimée recueille, elle, 63 % d’opinions favorables et la radio 70 %.

Autre enseignement marquant de ces consultations : la moitié des sondés jugent que le « fact checking », opéré après la publication d’une information erronée, est intéressant, mais insuffisant. Selon eux, ces rectifications ne touchent que trop rarement le public qui a lu la première version de cette « nouvelle ».