Préserver la sécurité nationale des Etats-Unis : c’est l’argument avancé par Donald Trump pour bloquer la fusion entre les fabricants de microprocesseurs Broadcom et Qualcomm. Le président américain a pris cette décision, lundi 12 mars, sur la base des recommandations du Comité américain sur les investissements étrangers (CFIUS) qui avait décidé début mars d’examiner ce rachat, après avoir été saisi par Qualcomm qui s’opposait aux visées de son rival.

Le décret présidentiel, qui évoque « des éléments crédibles », laisse penser que l’opération pourrait menacer la sécurité nationale. Cela met fin à la bataille que se livraient les deux groupes depuis plusieurs mois dans le cadre d’une opération qui, à 117 milliards de dollars, aurait été la plus importante du secteur.

Broadcom s’est dit dans un communiqué laconique « en profond désaccord avec l’idée que [l’] acquisition proposée de Qualcomm soulève la moindre inquiétude en matière de sécurité nationale ». De son côté, Qualcomm a fait savoir que l’assemblée générale de ses actionnaires, prévue le 5 avril, était reprogrammée au 23 mars. Broadcom comptait profiter de ce rassemblement pour prendre le contrôle du conseil d’administration et faire passer son projet.

Le titre de Qualcomm a chuté en Bourse après l’annonce de cette décision, perdant plus de 4 % dans les échanges électroniques d’après séance vers 3 h 30 (mardi à Paris). En revanche, Broadcom progressait de 0,63 %.

La domiciliation de Broadcom questionnée

Ce n’est pas une première. Donald Trump s’est déjà opposé l’an dernier, sur la base des recommandations du CFIUS, au rachat du fabricant américain de microprocesseurs Lattice par un groupe étatique chinois appuyé par un fonds d’investissement américain. Toujours dans ce secteur, cet organisme avait également recommandé en 2016 à Barack Obama de s’opposer à l’opération entre le groupe allemand Aixtron et le fonds chinois Grand Chip en raison de la présence aux Etats-Unis d’une filiale de l’allemand. L’opération fut abandonnée.

Dans une lettre rendue publique lundi par le Wall Street Journal et envoyée aux deux groupes dimanche, le CFIUS accusait notamment Broadcom d’avoir pris des initiatives concernant sa domiciliation aux Etats-Unis sans l’en informer dans les délais légaux. L’organisme avait interdit début mars au groupe singapourien de prendre une quelconque initiative pouvant contribuer à précipiter une fusion. Broadcom avait alors tenté de se défendre en affirmant que la décision de se domicilier aux Etats-Unis faisait partie de son offre sur Qualcomm dès le départ. Mais ces arguments n’ont pas suffi à rassurer l’administration Trump qui soupçonnait à mots couverts Broadcom d’agir comme paravent à des intérêts chinois.

Pourtant, le PDG du groupe, Hock Tan, s’était engagé lors d’une entrevue avec le président américain en novembre à ramener le siège de l’entreprise aux Etats-Unis. Il s’y trouvait depuis la création du groupe en 1991 mais avait été transféré à Singapour lors de son acquisition en 2015 par Avago qui avait décidé de garder le nom de Broadcom pour la nouvelle entité. Malgré cette promesse, les Etats-Unis craignaient que cette acquisition ne permette à la Chine de s’immiscer dans le déploiement des services de communications ultra-rapides de type « 5G » dont Qualcomm est un des « leaders » grâce à ses nombreux brevets.

Le Wall Street Journal évoquait dimanche la possibilité de voir le géant américain des microprocesseurs Intel se mêler à la bataille par le biais d’une offre de rachat de Broadcom. Si la fusion avait été menée à bien, elle aurait donné naissance au troisième groupe le plus important du secteur derrière Intel et le sud-coréen Samsung.