Documentaires sur Arte à 20 h 50 mardi 13, et sur France 5 à 20 h 55 mercredi 14

Le Kremlin est-il lié aux réseaux de hackeurs qui ont réussi à déstabiliser l‘élection présidentielle américaine de 2016 ? Les services secrets américains ont peu de doutes à ce sujet. Droit dans ses bottes, Vladimir Poutine nie toute ingérence. Reste que, pour lui, la victoire de Donald Trump face à Hillary Clinton ne pouvait pas mieux tomber.

L’ancienne secrétaire d’Etat américaine n’avait-elle pas appelé à une enquête « indépendante » sur d’éventuelles irrégularités lors des élections législatives russes, en décembre 2011 ? Après avoir fait face à des manifestations d’opposition sans précédent, Vladimir Poutine était réélu, en mars 2012. En position de faiblesse, il n’avait pu empêcher le président américain, Barack Obama, de déployer un bouclier antimissile à l’est de l’Europe.

Or, cinq ans plus tard, à l’été 2017, Vladimir Poutine pouvait serrer la main du nouveau président américain, Donald Trump, d’égal à égal. Que s’est-il passé pour qu’en cinq ans une nouvelle guerre froide oppose la Russie aux Etats-Unis et leur bras armé en Europe, l’OTAN ? Antoine Vitkine livre dans La Vengeance de Poutine (mercredi, sur France 5) le récit méticuleux de la montée des tensions entre Moscou et Washington entre 2012 et 2018.

Conversations avec Obama

Le réalisateur a obtenu des ­conseillers du premier cercle qu’ils lui racontent les coulisses des tête-à-tête entre Poutine et Obama et de leurs conversations téléphoniques. La liberté de ton avec laquelle s’expriment les Russes est, à cet égard, frappante. Vladimir Iakounine, proche conseil­ler de Poutine, et Konstantin Malofeev, puissant oligarque, ne cachent pas que les Russes n’ont pas supporté de se sentir méprisés par l’administration Obama. Côté américain, Antony Blinken, ancien ecrétaire d’Etat adjoint, et Derek Chollet, sous-secrétaire à la défense, reconnaissent avec une sincérité confondante comment l’administration américaine a été, à plusieurs reprises, prise de court par les initiatives russes, en Ukraine et en Syrie.

En réalité, Poutine a très bien vu le profit qu’il pouvait tirer du faux pas commis par Obama, fin août 2013, lorsque celui-ci choisit de ne pas ordonner de frappes contre le régime syrien à la suite des attaques à l’arme chimique dans la banlieue de Damas. En échouant à faire respecter la ligne rouge qu’il avait définie un an plus tôt, le président américain renvoyait l’image d’une Amérique qui n’était peut-être qu’un tigre de papier.

« La Vengeance de Poutine », d’ Antoine Vitkine. / France 5

Le documentaire d’Antoine Vitkine permet de mieux comprendre la personnalité de Vladimir Poutine. Le portrait que brosse Julia Ioffe, journaliste à The Atlantic, est convaincant : Poutine ne serait pas un joueur d’échecs, mais de black jack. Selon elle, le président russe agit, tout en acceptant les risques. François Hollande est peut-être celui qui l’a le mieux cerné : « Si on veut caractériser la diplomatie de Vladimir Poutine, toujours dans cette relation de force qu’il veut installer : il va jusqu’au bout, mais se laisse toujours une porte de sortie pour que l’escalade puisse être portée à son niveau maximal. » Ce film offre également une analyse pertinente de la communication du président russe, en la replaçant dans le contexte de la doctrine de la guerre hybride mise en place par le chef d’état-major de l’armée russe, Valéri Guérassimov : subversion, espionnage, propagande et cyber­attaques doivent façonner le paysage social national et international.

Utilisation des « fake news »

Dans un autre style, plus rentre-dedans, Paul Moreira livre (mardi sur Arte) une enquête fouillée sur la guerre de l’information menée par la chaîne internationale RT (anciennement Russia Today) et le site Sputnik,deux médias financés par le Kremlin.Le journaliste d’investigation remonte le fil des « fake news » diffusées par RT lors des campagnes présidentielles américaine de 2016 et française de 2017. Si la chaîne qui a soutenu Marine Le Pen n’a pas produit de fausses nouvelles, elle ne s’est pas privée de relayer des rumeurs infondées sur le compte d’Emmanuel Macron.

Didactique et rigoureux, le film restitue la complexité de la guerre de l’information en rappelant qu’il arrive également aux médias occidentaux de relayer des « fake news » incriminant les Russes pour des méfaits qu’ils n’ont pas commis. Il montre aussi que, dans cette guerre sans canons, il est très difficile de trouver une preuve irréfutable : sans élément probant, les journalistes indépendants russes se refusent à établir un lien entre les usines à trolls de Saint-Pétersbourg et le Kremlin.

Impertinent, Paul Moreira parvient à pousser dans leurs retranchements la plupart de ses interlocuteurs, telle Margarita Simonian, directrice de RT et Sputnik, qui n’a plus que la mauvaise foi à lui opposer. Il obtient des révélations sur des rencontres officieuses entre Vladimir Poutine et Marine Le Pen et sur le financement du Front national par un banquier russe. S’il s’éloigne de son sujet, c’est pour mieux y revenir et montrer que l’un des buts de cette guerre de l’information est la constitution en Europe d’un axe nationaliste défendant les valeurs traditionnelles, contrôlé par la Russie.

Guerre de l’info : au cœur de la machine russe, de Paul Moreira (Fr., 2017, 90 min), diffusé le mardi 13 à 20 h 50 sur Arte.

La Vengeance de Poutine, d’Antoine Vitkine (Fr., 2018, 74 min), diffusé le mercredi 14 à 20 h 55 sur France 5.