Editorial du « Monde ». Enfin ! Près de six mois après les élections générales, Angela Merkel va être de nouveau élue chancelière mercredi 14 mars par une majorité de députés allemands. Dans une Europe où chaque élection, de la Grande-Bretagne à l’Italie en passant par la France ou l’Autriche, ressemble désormais à un jeu de chamboule-tout, l’Allemagne fait figure d’exception.

Si de nouveaux visages, bienvenus, y font leur apparition, le quatrième gouvernement présidé par Angela Merkel ne diffère pas fondamentalement des grandes coalitions précédentes, formées par les conservateurs et les sociaux-démocrates en 2005 et en 2013. On peut bien entendu se féliciter de cette stabilité de la principale économie de la zone euro. De même, Emmanuel Macron ne peut que se réjouir d’avoir à Berlin des interlocuteurs plus sensibles à ses thèses que ne l’aurait été une coalition formée par la CDU, les Verts et les libéraux du FDP, comme cela a été tenté initialement à l’automne 2017.

Mais la stabilité allemande ne doit pas faire illusion. Les vingt-cinq semaines nécessaires à Angela Merkel pour former un gouvernement – un record – tout comme la présence massive du parti d’extrême droite Alternative pour l’Allemagne (AfD) au Bundestag montrent que le pays est moins stable qu’il n’y paraît. Or les défis qui attendent « Merkel IV » sont au moins aussi grands que ceux des années précédentes.

Un monde plus protectionniste

Certes l’euro n’est plus en danger comme en 2009 mais, entre la montée des eurosceptiques et des populistes en Europe, le renforcement de régimes autoritaires en Chine, en Russie et en Turquie et la menace d’une guerre commerciale lancée par les Etats-Unis, Angela Merkel fait face à un environnement plus hostile que jamais.

Elle qui a longtemps cru, comme une majorité de ses compatriotes, que le commerce était le plus sûr moyen de rapprocher les peuples et que Washington était le partenaire sur lequel la démocratie allemande était sûre de pouvoir compter en toutes circonstances doit réviser tous ses schémas de pensée. A son corps défendant, l’Allemagne va devoir s’adapter à un monde plus protectionniste et augmenter son budget militaire.

Dans ce contexte, elle n’a d’autre choix que de s’appuyer sur la France. Mais Berlin ne sera pas pour Paris un partenaire facile. Entre des conservateurs allemands hostiles à davantage de solidarité financière avec le reste de la zone euro et des sociaux-démocrates très réservés sur la défense européenne, Emmanuel Macron va vite devoir reconnaître que l’union est un combat.

Déjà en février, les conservateurs allemands n’ont pas soutenu son idée de créer des listes transnationales lors des élections européennes de 2019, infligeant au président français un revers symbolique de bien mauvais augure. Désormais à la tête d’un gouvernement qui a fait de la « relance de l’Europe » sa priorité, Angela Merkel ne peut pourtant plus tergiverser. Il y va de son intérêt, mais aussi de celui de l’Union européenne. Pour la chancelière, il s’agit maintenant de ne pas rater sa sortie.