Régulièrement mis en porte-à-faux par le président Donald Trump, Rex Tillerson, venu du monde du pétrole, accumulait les difficultés ces derniers mois. / Andrew Harnik / AP

Sur le fond, la décision n’a pas surpris, mais la manière dont le président américain a limogé son chef de la diplomatie, Rex Tillerson, mardi 13 mars, a toutefois pris de court les commentateurs et le principal intéressé : l’information a été livrée par Donald Trump sur Twitter dans la matinée, et confirmée quelques instants plus tard sur la pelouse de la Maison Blanche devant la presse. Les désaccords entre les deux hommes étaient connus.

Cette décision est le fruit « des erreurs de communication et les contradictions qui ont caractérisé leurs relations depuis le début », écrit Politico. M. Tillerson s’est opposé à M. Trump sur les principaux sujets de politique étrangère : le retrait de l’accord sur le climat, le sort de l’accord sur le nucléaire iranien, le déménagement de l’ambassade américaine à Jérusalem, la manière de négocier avec la Corée du Nord et surtout l’analyse sur les liens avec la Russie. Un des rares alliés de M. Tillerson dans l’administration était le secrétaire à la défense, James Mattis. Les deux hommes, « souvent en porte à faux avec les conseillers les plus va-t-en guerre de l’administration, s’étaient entendus pour ne jamais se contredire publiquement », affirme le magazine américain, pour qui ce nouveau départ « accroît l’impression de chaos et d’instabilité au sein de la Maison Blanche ».

Des inquiétudes sur Mike Pompeo

Le futur secrétaire d’Etat devrait être l’actuel directeur de la CIA, Mike Pompeo, un « faucon », proche des vues de M. Trump. Cela en fera peut-être « un meilleur chef de la diplomatie que M. Tillerson », estime le magazine, mais cela n’est « pas sans danger ». Il risque de « nourrir les pires instincts de Trump au lieu d’incarner la voix de la raison ».

« On peut douter de sa crédibilité et de son honnêteté », écrit même Vox, qui estime que M. Pompeo a fait « passer sa loyauté envers Trump devant ses responsabilités à la tête de la CIA », notamment sur la présumée interférence russe dans les élections américaines. Le magazine rappelle aussi qu’il est partisan de la torture et qu’il a des vues radicales sur l’Iran.

Tout aussi inquiet, l’éditorial du New York Times se demande si « Trump ne va pas amener l’Amérique à regretter M. Tillerson ». Le journal tire pourtant un bilan calamiteux de l’ex patron d’Exxon Mobil, « le plus faible et le moins efficace des secrétaires d’Etat. Sans expérience en politique étrangère, il a affaibli le département qu’il était censé dirigé, coupant dans le budget avec enthousiasme ». Résultat : le cœur de la diplomatie américaine a été évincé ou a choisi de partir. Pourtant, ajoute le journal, ce pourrait être pire avec son remplaçant. Tillerson était « l’une des voix réalistes » dans l’entourage de Trump. M. Pompeo, qui va superviser les discussions à venir avec la Corée du Nord, a par le passé « fait pression pour un changement de régime et a même fait allusion à l’assassinat du président nord-coréen », s’inquiète le quotidien.

Le sort de H. R. McMaster en suspens

Quant au Washington Post, il estime que ce limogeage confirme un tournant dans la prise de décision au sein de la Maison Blanche. Si le président a déjà fait montre d’impulsivité, prenant à plusieurs reprises son camp à contre-pied, – sur l’immigration ou le contrôle des armes à feu par exemple –, le quotidien estime que les récentes annonces présidentielles soulignent l’absence de personnalités plus prudentes de son entourage. M. Trump « écoute davantage son instinct que ses conseillers ».

« Ces deux dernières semaines, Trump a décidé de taxes sur l’acier et l’aluminium malgré la farouche opposition de son conseiller économique et il a accepté une rencontre inédite avec le dictateur nord-coréen en dépit des inquiétudes des conseillers à la sécurité nationale ». Dans ce contexte, « l’attention se porte maintenant sur le sort du conseiller à la sécurité nationale, H. R. McMaster, qui entretient une relation difficile avec M. Trump », écrit le quotidien.