Tribune. La visite d’Etat effectuée en février par le président de la République française en Tunisie a été l’occasion de réaffirmer le soutien entier de la France au processus de transition démocratique de la Tunisie. M. Macron a exprimé ce soutien durant sa visite aussi bien au président de la République tunisienne, M. Beji Caïd Essebsi, qu’aux députés de l’Assemblée des représentants du peuple et à plusieurs autres acteurs et responsables de la sphère politique et de la société civile. Ce soutien répété, affirmé avec force, a eu un écho positif auprès des différentes composantes de la société tunisienne et de ses élites. Il était plus que bienvenu en ce début d’année.

A chacune de leurs visites, les amis de la Tunisie peuvent constater que le pays poursuit sans trembler sa transition démocratique et ce, tout en faisant face aux nombreux défis qui sont les siens. Ces mêmes défis qui peuvent parfois donner l’impression que la situation est particulièrement complexe voire inextricable, en vérité, sont propres à tous les pays ayant fait le choix courageux d’opter pour la démocratie. Ces défis particuliers, nous les assumons et continuerons de les traiter avec détermination et fierté. D’autres sont spécifiques au pays lui-même dont les modèles sont à bout de souffle. D’autres encore sont dus à certaines conjonctions internationales, qu’elles soient économiques ou sécuritaires, et nous continuerons à les traiter comme il se doit, avec rigueur et en coordination avec nos amis et alliés.

« Garantir la dignité de tous »

Au-delà de cette conjonction de facteurs qui rend la situation du pays particulièrement sensible en cette période de transition démocratique, nous ne perdons jamais de vue que l’autre défi essentiel, celui duquel découle la plupart des autres problèmes, qu’ils soient économiques, sécuritaires ou politiques est celui de la fracture sociale. A cette époque très particulière, dans ce monde en plein changement et hyperconnecté, les disparités sociales, les exclusions de toutes sortes sont devenues, à juste titre, de plus en plus insupportables pour les citoyens les plus fragiles. Avec sa transition démocratique, la Tunisie n’a pas d’autres choix que de continuer de s’atteler avec détermination à construire des solutions pérennes et innovantes pour garantir la dignité de tous.

Pour mener à bien ces différents chantiers, par-delà leurs différences et face à ce combat aux multiples facettes, nous sommes confiants.

Confiants dans le choix fondamental et partagé que nous avons fait en direction de la démocratie, de la Constitution et de ses institutions et avec cette conviction que seules les libertés peuvent à la fois assurer la dignité de chacune et chacun et que seules elles sont à même de libérer les énergies pour redresser le pays socialement et économiquement. Confiants aussi dans notre jeunesse qui nous a déjà tant donné en se soulevant courageusement contre la dictature et qui, aujourd’hui, malgré les affres du chômage, malgré les nombreuses difficultés rencontrées par le pays, offre à ce dernier son énergie et son imagination. Confiants dans les femmes tunisiennes qui sont notre fierté et qui font en permanence don à notre pays de leur vigilance, de leur courage et de leur dignité et ce, en participant activement à l’activité économique et sociale de la Tunisie. Confiants dans nos forces armées qui ont fait preuve de tant de sacrifices et d’abnégation pour assurer la sécurité des citoyennes et citoyens de ce pays et pour avoir déjà assuré à plusieurs occasions l’inviolabilité de nos frontières et de notre territoire. Confiants, enfin et plus généralement, dans la capacité de tous les Tunisiennes et des Tunisiens, fonctionnaires, enseignants, paysans, ouvriers, artistes, sportifs, cadres et entrepreneurs de continuer d’avancer, d’agir pour le bien commun avec résilience mais sans jamais rien céder de leur dignité.

Une démocratie en construction

On l’aura compris, dans les périodes de transitions, les vrais défis pour tous les acteurs du pays résident dans le fait de devoir gérer des équations comportant des éléments qui peuvent paraître pour certains contradictoires. C’est de renouer avec la croissance dans un contexte de déficits structurels et de crise régionale. C’est de traiter les questions sécuritaires sans reculer sur les libertés fondamentales. C’est de discuter des questions sociétales loin des polarisations et loin de l’instrumentalisation électorale et partisane. C’est de remplacer les modèles économiques existants sans casser la machine économique actuelle. C’est dans le même temps gérer le temps court et le temps long, de dialoguer en permanence et de tout débattre avec les différents acteurs. Et c’est enfin avancer d’une étape à l’autre en étant à l’écoute des uns et des autres et mettre des doutes sur nombre de nos certitudes.

Dans quelques mois, une nouvelle étape importante attend le peuple tunisien : les élections municipales. Ce sera un jalon de plus sur le long chemin de la construction démocratique et une occasion pour passer à un nouveau modèle de gouvernance locale, basé sur le principe constitutionnel de libre administration. Ce sera enfin une nouvelle preuve donnée à nous-mêmes d’abord et à nos amis ensuite que, comme pour tous les rendez-vous démocratiques qui ont précédé, notre pays a la capacité de les franchir avec succès.

Rached Ghannouchi est le président du parti tunisien de musulmans démocrates Ennahda.