Rachid Temal, Secrétaire national chargé de la coordination et de l’organisation du Parti socialiste au siège du PS rue de Solférino à Paris, jeudi 15 mars 2018 - 2018©Jean-Claude Coutausse / french-politics pour Le Monde / JEAN-CLAUDE COUTAUSSE/FRENCH-POLITICS POUR "LE MONDE"

C’est jour de vote au Parti socialiste (PS). Les cent deux mille militants socialistes sont appelés à départager, jeudi 15 mars quatre candidats au poste de premier secrétaire : Luc Carvounas, Stéphane Le Foll, Olivier Faure et Emmanuel Maurel.

Le premier tour s’est ouvert à 17 heures et se termine à 22 heures dans les trois mille deux cents sections du parti. Les résultats définitifs ne devraient être communiqués que vendredi dans la matinée, à l’issue d’une réunion de la « commission de récolement », présidée par le coordinateur du parti, Rachid Temal. Les deux finalistes pourront ensuite briguer le poste de premier secrétaire du Parti socialiste le 29 mars.

Reportage à Berre-l’Étang (Bouches-du-Rhône) et à Lille auprès de militants socialistes à l’occasion de ce premier tour.

  • A Berre, dans les Bouches-du-Rhône, un vote sous contrôle

A Berre-l’Etang, on ne plaisante pas avec l’histoire du PS. La ville des Bouches-du-Rhône — 13 800 habitants — est une place forte historique du socialisme départemental. Une place un peu trop forte même aux yeux des mandataires d’Olivier Faure et de Lionel Carvounas, qui se sont inquiétés de la présence potentielle de « cartes fantômes » dans les deux sections berroises.

L’accusation, qui touchait d’autres sections départementales, a provoqué un psychodrame chez les socialistes du 13, chacun demandant des enquêtes nationales et s’accusant de « tuer ce qu’il reste du parti ». Elle agace aussi prodigieusement les militants qui arrivent dès l’ouverture du bureau, à 17 heures, dans cette grande salle qui jouxte l’étang. « Je suis en colère, râle Marie-Louise, qui sort de la piscine municipale voisine, où elle vient de finir son service. Depuis vingt-cinq ans, j’ai toujours été réglo avec le PS, et là, on refuse mon vote. Ça me vexe. » Marie-Louise veut payer sa cotisation 2018, de 42 euros, en espèces mais la direction nationale a instauré des règles spécifiques aux Bouches-du-Rhône. Chaque votant doit produire un chèque à son nom.

Elodie et Heidia, les deux déléguées d’Olivier Faure venues de Marseille pour contrôler le vote, sont intraitables sur la question et notent scrupuleusement tous les « errata ». Au total, une petite liste d’une vingtaine de noms. Elles interpellent même le maire de la ville, Mario Martinet, ancien conseiller général, qui produit un reçu de 42 euros : « Monsieur le maire, pour les élus, la cotisation c’est 300 euros ! » Le temps de fouiller dans les chèques, et le maire, un brin agacé, prouvera qu’il a bien payé son dû.

Ici, on a annoncé plus de deux cents votants… Les dernières listes validées par la direction nationale la veille en comptent finalement 51 et 98, « listing complémentaire » compris. Vers 18 heures, l’affluence se densifie et une petite file se forme devant la table de vérification. Beaucoup de retraités, pas mal d’employés municipaux et quelques adjoints au maire patientent pendant que la présidente du bureau accroche les chèques aux bulletins d’adhésion orange. On se connaît, on s’embrasse, on s’interpelle.

Lionel Jean, le secrétaire de la section Defferre ne lâche pas son smartphone. « Les listes ne sont pas à jour et, à chaque fois, il faut appeler Paris, parce que la fédération ne répond pas » grogne ce conseiller municipal, petit neveu du précédent maire PS. « Nous avons perdu des militants, c’est sûr, mais dans cette ville, on place l’humain avant tout et il y a encore des gens qui croient aux valeurs socialistes », assure Mario Martinet, qui a choisi de soutenir Stéphane Le Foll. On assure qu’il n’y a pas eu de consigne de vote, mais le nom de l’ancien ministre revient souvent.

  • A Lille, la flamme militante n’est pas complètement éteinte

François Hollande, Rachid Temal et Bernard Cazeneuve participent au vote pour le premier tour du congrès du Parti socialiste au siège du PS rue de Solférino à Paris, jeudi 15 mars 2018 - 2018©Jean-Claude Coutausse / french-politics pour Le Monde / JEAN-CLAUDE COUTAUSSE/FRENCH-POLITICS POUR "LE MONDE"

Dans la section de Moulins, un quartier populaire de Lille, ça ne se bouscule pas au portillon. A 18 h 30, seuls dix militants ont voté. « Les gens sont lassés, soupire Philippe Delporte, secrétaire de la section et militant depuis quinze ans. Macron a tout explosé dans les partis. Il est temps de repartir avec des nouvelles têtes, des jeunes. » A son côté, un étudiant, candidat pour reprendre la section. « Mes amis pensent que je suis fou d’être au PS ! », sourit Romain Rodriguez.

Il en faut de l’optimisme pour espérer de beaux lendemains, mais ceux qui sont venus voter y croient. « La flamme militante n’est pas éteinte », dit Hervé Ducrocq, 55 ans, qui vient de glisser un bulletin Emmanuel Maurel dans l’urne. Hamoniste, animateur de Génération·S à Lille, il garde une fidélité à ce parti auquel il a adhéré en 1980. « Il y a toujours une structure militante, une ambiance, mais il faut se remettre au travail. »

A la fédération PS du Nord, dans le centre-ville de Lille, même discours : « Pendant cinq ans, le parti n’a pas très bien fonctionné, regrette Mehdi Gueroui, 36 ans, secrétaire de la section de Fives. Il a été muet sur la déchéance de nationalité, sur la loi El Khomri, etc. Le parti ne travaillait plus. On ne savait pas où il allait. Avant, on savait. » Dans sa section, un noyau dur d’une trentaine de fidèles espère récupérer des tracts et des affiches, « mais le national ne distribue rien ». Les temps sont durs, et pourtant, ce soir, les militants doivent débourser 47 euros pour être à jour de leur cotisation 2018. « Pour certains, c’est énorme », tient à souligner Mehdi Gueroui. A l’image de Florence Collet, 50 ans, en recherche d’emploi. Cette militante est pourtant prête à retourner au combat. La Lilloise a voté pour Olivier Faure car le PS « a besoin d’un bon leadeur », mais quel que soit le gagnant, « on sera là ».

Derrière ce vote national va se dégager une tendance pour l’élection du ou de la future première secrétaire de la Fédé du Nord, le 29 mars. En effet, la présidente sortante, la sénatrice Martine Filleul, souhaite rempiler pour un nouveau mandat. Marquée par sa proximité avec l’ancien ministre Patrick Kanner, soutien de Stéphane Le Foll, cette dernière n’a pas souhaité exprimer publiquement pour qui elle votait ce soir. « Mon positionnement est dans le rassemblement, dit-elle. Ce qui m’importe, c’est que le parti redémarre. »

Face à elle, Roger Vicot, poussé par Martine Aubry, a de son côté jeté l’éponge le 26 février. Dans un climat tendu, le maire de Lomme, soutien d’Olivier Faure, n’a pas souhaité « accentuer les fractures » au sein de la maison socialiste nordiste et a préféré se retirer de la course. « Les socialistes du Nord vont mal, a-t-il déclaré à la fin de février. Les militants du Nord sont profondément démotivés. Notre fédération est aujourd’hui déconnectée. Pour la première fois depuis bien longtemps, elle est invisible et muette. » Un constat en partie partagé par Adrien Lartisien, 31 ans, secrétaire de la puissante section d’Orchies (219 militants encartés). Inconnu des médias et du grand public, ce soutien d’Olivier Faure affrontera Martine Filleul pour décrocher le poste de premier secrétaire de la fédération socialiste du Nord. Pour ce jeune candidat, qui n’a jamais eu de mandat politique, il est temps de « refaire un peu de politique et de se faire entendre ». Sur ce point, à la Fédération PS du Nord, les 2 743 militants à jour de leur cotisation au 31 décembre 2017 sont d’accord.