Que vont-ils chercher dans un MBA ? « Un accélérateur de carrière », aiment à répondre les écoles, sans vraiment savoir ce sur quoi porte ce principe d’accélération. « Autre chose », à entendre les étudiants. C’est souvent cette quête de sens, ­cumulée à une ­situation de crise, qui pousse vers le MBA – pour « aller plus loin », sinon plus vite, dans la « carrière ».

« J’avais l’impression de tourner en rond, se souvient Kevin Crèvecœur. Mes valeurs ne se retrouvaient plus dans la culture de mon entreprise. Je voulais quelque chose de plus grand. » Cet ingénieur de gestion belge s’ennuyait après cinq ans dans une multinationale américaine spécialisée dans l’hygiène et les produits de beauté. « J’ai cherché un défi personnel, dit-il. En échangeant avec d’anciens MBA, j’ai choisi l’IMD Lausanne pour son travail sur le leadership, avec l’aide d’un psychologue… Je l’ai suivi en 2016, à l’âge de 29 ans, en autofinancement. »

« Construire un futur meilleur »

La possibilité de tester de multiples entreprises – start-up de microbrasserie suisse, groupe de montres de luxe à New York, société danoise spécialisée dans l’équipement médical… – a été déterminante. « Après le MBA, j’ai choisi la filière pharmaceutique » – en l’occurrence, le laboratoire Janssen, du groupe Johnson & Johnson, où Kevin Crèvecœur traite de stratégie pour l’Europe, le Moyen-Orient et l’Afrique. Au passage, son salaire a pris + 30 %, « et j’ai bénéficié d’un gros bonus ­d’entrée », sourit-il.Mais surtout, s’enthousiasme le jeune homme, « le MBA m’a confirmé dans ma volonté d’enseigner plus tard ce que j’ai appris, de transmettre, de coacher. Un an après, je suis bien plus heureux qu’avant ».

Même quête d’épanouissement dans le parcours de Xavier Watine : « Je m’ennuyais au bout de cinq ans chez un grand constructeur automobile français, en tant qu’ingénieur : j’avais envie d’aller vers le business. » Ce qui lui a fait sauter le pas du MBA ? « Le goût d’apprendre, bien sûr, et de progresser. Mais, surtout, l’impossibilité de le faire dans mon entreprise, qui était en crise entre 2009 et 2014. C’était soit faire un MBA, soit entrer en cabinet de conseil. »

Son choix de MBA était contraint par plusieurs impératifs : être « dans le top mondial », exclure les Etats-Unis (« pour des raisons personnelles »), faire la formation « en un an », élargir son expérience internationale… ­Sélectionné en Espagne, en Grande-Bretagne et à Lausanne, le Français choisira la Suisse en 2015, après avoir démissionné de son entreprise. Le financement passe par un prêt personnel très lourd, sans congé individuel de formation. Mais « après le MBA, j’ai rapidement eu trente entretiens ! », se félicite l’ancien ingénieur.

Après un premier poste en cabinet de stratégie automobile, Xavier Watine est désormais chez IBM, où il planche sur la transformation digitale des grandes entreprises. Son salaire a fortement augmenté (« de 80 % »), mais il ­retient « surtout l’épanouissement personnel, et le fait d’avoir un impact sur la stratégie d’innovation de l’entreprise ». Le jeune homme n’entend pas en ­rester là, il veut « participer à construire un futur meilleur et faire bénéficier ­l’ensemble de la société des bienfaits des progrès technologiques ».

Expérimenter sans risques

La recherche d’un retour économique est « évidente et inévitable pour des MBA très chers, où chacun s’interroge sur la logique économique avant de ­poser sa candidature », pondère Philippe Taieb, ancien de l’ESCP Europe installé à Boston, où il coache les étudiants de la HBS. Mais un MBA, aux Etats-Unis comme ailleurs, permet d’expérimenter sans prise de risques. C’est « un long moment de réflexion » sur ses ­intérêts et ses aspirations : « On peut “entreprendre” sans y mettre ce qui reste de ses économies. Même si c’est un échec, on n’y perd pas sa chemise ! Une période très rare dans une vie… »

« La notion d’éthique dans le business va devenir un impératif pour le futur des entreprises. » Younes Igrouch, inscrit à l’EuroMBA Audencia

De sens et d’intérêt, Younes Igrouch, actuellement en formation à l’EuroMBA Audencia, en a également fait le plein, en septembre, lors de la « semaine de cogitation » menée par l’école sur la responsabilité sociale des entreprises et les Objectifs de développement durable à horizon 2030 des Nations unies. L’idée ? Imaginer des business plans en appliquant au moins un des objectifs de développement durable.

« Mon groupe a travaillé sur l’idée du “café suspendu” : un client paie un café mais ne le consomme pas et le laisse à la libre disposition de ceux qui n’en ont pas les moyens », raconte-t-il. De là est née une application qui permet d’informer commerçants et consommateurs des biens mis à ­disposition (café, mais aussi pain, ­produits de première nécessité). L’équipe a travaillé à « la recherche d’un partenariat avec l’Etat pour récupérer de la TVA et permettre ainsi un ­financement plus facile de ce geste ». Une innovation qu’il veut « reproduire dans [son] entreprise d’agrochimie sur la distribution de graines et semences entre fermiers ».

« Cette semaine a été un révélateur de ce que peut être la notion d’éthique dans le business, conclut-il. Ce n’est pas que la cerise sur le gâteau. Cela va devenir un impératif pour le futur des entreprises. La société est un acteur incontournable, il faut l’écouter. Pour beaucoup, cela a été frappant et nouveau. »

Le bouddhisme appliqué au business

La quête de sens emprunte parfois des chemins inattendus. Haley Beer, qui enseigne la gestion des opérations et la performance organisationnelle dans les MBA de la Warwick Business School, met en avant les vertus des principes bouddhistes appliqués au monde des affaires. Dans le cadre d’une recherche avec le professeur Edward Gamble, de la Montana State University aux Etats-Unis, elle a constaté que cette philosophie proscientifique mettait en avant la responsabilité personnelle, le ­détachement, le renforcement de la collaboration – ce qui s’accorde avec une pratique moderne du business.

« Nous n’enseignons pas le bouddhisme en tant que tel aux MBA, tient-elle à préciser, mais nous en avons adopté les préceptes philosophiques afin de donner une autre signification, plus élevée, à la mesure de la performance. » L’enseignante de la Warwick Business School l’affirme, ces préceptes génèrent « connectivité sociale », « signification financière » (utiliser les finances pour « créer les objectifs sociaux, pas comme but », précise-t-elle) et « conscience entrepreneuriale » ­(reconnaître et agir sur les opportunités).

« C’est particulièrement important pour les organisations à but non lucratif qui utilisent les mêmes mesures de la performance que celles du monde des affaires, argumente Haley Beer, un monde conduit par une maximisation impitoyable des profits qui va à l’encontre des principes sous-jacents de ces organisations… »

Participez au MBA Fair du Monde, samedi 17 mars à Paris

Le groupe Le Monde organise, samedi 17 mars, au palais Brongniart, à Paris, la huitième édition du MBA Fair, le Salon des MBA & Executive Masters.

Cet événement est destiné aux cadres qui souhaitent donner un nouvel élan à leur carrière, et renforcer leur employabilité. Sont attendus les responsables de plus de 35 programmes de MBA et d’Executive Masters parmi les plus reconnus des classements internationaux, dans des domaines variés : stratégie, marketing, finances, ressources humaines et management… Des conférences thématiques animées par un journaliste du Monde, ainsi que des prises de parole organisées par les écoles présentes sont également prévues.

L’entrée est gratuite, la préinscription est recommandée pour éviter l’attente.

Ce Salon sera précédé de la publication, dans Le Monde daté du jeudi 15 mars, d’un supplément sur les MBA, à retrouver également sur notre page Lemonde.fr/mba.