A combien se chiffrera cette préparation pour les JO 2024 ? / GUILLAUME SOUVANT / AFP

A-t-on bien estimé le coût réel des Jeux olympiques de Paris 2024 ? Quelques mois à peine après l’attribution décrochée à Lima (15 septembre), un rapport d’experts commandé par le gouvernement parle de « réels risques de surcoûts importants ». Pour l’expert du mouvement olympique Armand de Rendinger, auteur de La Cuisine olympique : quand la France se pique aux Jeux (éd. Temporis, 2016), il est urgent de faire preuve de sincérité en matière budgétaire.

Que pensez-vous de ce rapport et de sa conclusion ?

Ce n’est pas une surprise, d’abord parce qu’il a été commandé depuis un bout de temps par le ministère des sports, ensuite parce que beaucoup de partenaires du COJO (Comité d’organisation des Jeux) posaient la question de l’actualisation du budget. Il faut savoir que le CIO ne peut pas se permettre de voir le budget initial, qui était de 6,3 milliards d’euros et qui est maintenant de 6,8 milliards, déraper vis-à-vis de toutes les futures villes candidates.

Le CIO et le gouvernement jouent-ils leur crédibilité sur ce point ?

C’est un enjeu stratégique et politique. Le CIO doit déjà gérer l’après-Rio, qui est pour le moins un dossier complexe. Les JO de Pyeongchang ont coûté plus cher que prévu. Tokyo se présente en 2020 avec une explosion des coûts initiaux : d’un budget de 5 milliards d’euros, on a grimpé jusqu’à 27 milliards avant de descendre à 13 milliards… Si même une ville comme Paris, qui en a fait la promesse, dérape, le CIO risque de voir de plus de plus de candidats renoncer.

Enfin, il y a également une deuxième pression de la part de l’Elysée, mais aussi de la ville de Paris et de la région Ile-de-France, qui considèrent que le COJO leur a soumis un projet et qu’il est indispensable que le budget soit respecté vis-à-vis des électeurs et des contribuables.

Un acteur important, le département de la Seine-Saint-Denis, s’inquiète que l’on rogne sur ce que l’on lui avait fait miroiter en termes de développement. Comprenez-vous cette crainte ?

Il faut comprendre que le CIO considère comme important les éléments politiques qui contribueraient à améliorer l’environnement français, en matière de lutte contre les discriminations, en matière d’héritage concret pour les territoires, mais cela ne doit pas pénaliser l’organisation des Jeux et alourdir de manière trop lourde la facture. Le département, qui veut profiter de ces Jeux pour son développement, a peur que l’on rogne sur ce type de dépenses. On risque par exemple de réduire la voilure sur le nombre de logements prévus en reconversion du village des médias. Est-ce que le village tel qu’il était prévu est réaliste ? Lorsqu’on lit le rapport, on peut avoir un doute.

Du coup, n’y a-t-il pas une énorme hypocrisie d’avoir fait campagne en faveur des JO sur le développement d’un territoire en difficulté ?

Il faut dire la vérité aux Français. Les quinze jours où se déroulent les Jeux peuvent être équilibrés, et même être un peu rentables, mais tout ce qui est nécessaire à l’organisation représente un investissement majeur. Or, personne n’a osé dire très clairement à combien il se chiffre. On a renoncé à l’Exposition universelle par peur que l’investissement ne soit pas couvert par les recettes. On ne peut plus renoncer aux JO, mais il faut être honnête. Il y a des choix à faire, peut-être au détriment d’investissements dans la santé ou l’éducation. Ce sont des choix politiques sur lesquels il est nécessaire que les politiques se prononcent.

A combien estimez-vous le budget réel ?

Sur les lignes budgétaires présentées, il est bien calculé à 10 % près. Cependant, il est nécessaire d’être sincère. Ce budget est incomplet car on n’a pas pris en compte des dépenses qui ne sont pas propres aux JO mais n’en sont pas moins indispensables : le coût lié à la sécurité, aux fonctionnaires affectés, à l’accélération du Grand Paris ainsi qu’aux lois d’exception qui seront nécessaires car on doit tout réaliser dans un délai très court. Je ne crois pas à des JO d’été à moins de 10 milliards d’euros.

Vous parlez de sincérité mais n’est-ce pas un vœu pieux tant il semble déjà trop tard ?

C’est regrettable mais il n’est jamais trop tard. Il vaut mieux le faire maintenant que dans deux ou trois ans, comme l’a fait Tokyo. Chaque jour qui passe compte. Il est très bien que ce débat ait lieu et il faut qu’il soit clos au moins de juin au plus tard. Plus on attend, plus la pilule sera dure à avaler. Il est essentiel que le budget soit véritablement crédible, légitime et sincère pour permettre la mobilisation de la population.

Ce débat n’exclut-il pas le peuple ?

Je le dis clairement : ce débat est entre initiés et pas du tout avec le peuple. Tout simplement parce que l’on a refusé de faire une consultation populaire dès le début. On savait que le résultat serait négatif. On n’a fait que de la communication, il y a eu l’effet magique de l’attribution, mais deux jours après le succès de Lima les seules discussions que l’on avait concernaient cette question du budget. Qui aura la responsabilité d’annoncer les coûts réels et qui en endossera la responsabilité ?