José Manuel Barroso à Bruxelles, en août 2014. / JOHN THYS / AFP

Loi des séries ou symptôme d’une Commission Juncker en bout de course, alors que les élections européennes de mai 2019 sont déjà dans toutes les têtes ? Après les eurodéputés, qui ont sérieusement remis en cause la nomination express du directeur de cabinet de Jean-Claude Juncker, Martin Selmayr, au poste de secrétaire général de la Commission, c’est au tour de la médiatrice de l’Union, Emily O’Reilly, d’entrer dans la danse, jeudi 15 mars.

L’Irlandaise, réputée pugnace, reproche à la Commission son laxisme dans l’« affaire Barroso ». En cause : une rencontre fortuite, en octobre 2017, entre l’un des vice-présidents de la Commission, le Finlandais Jyrki Katainen, et l’ex-président de l’institution pendant dix ans, le Portugais José Manuel Barroso, parti « pantoufler » chez Goldman Sachs.

Ce transfert vers une banque d’affaires tenue en partie responsable de la crise financière avait provoqué des remous y compris dans les rangs des fonctionnaires européens, d’ordinaire plutôt disciplinés. M. Barroso s’était engagé à ne pas faire de lobbying auprès de son ancienne maison.

Mme O’Reilly a estimé mercredi 14 mars que la réunion avec M. Katainen « avait les apparences » du lobbying, et réclamé que le nouvel emploi de M. Barroso chez Goldman Sachs soit « réexaminé » par le comité d’éthique de la Commission. « Les anciens commissaires ont le droit d’occuper un poste mais, en tant qu’anciens fonctionnaires, ils doivent également veiller à ce que leurs actions ne sapent pas la confiance que les citoyens portent en l’UE », a t-elle insisté, réclamant que les « anciens présidents de la Commission ne puissent pas faire du lobbying auprès de l’institution pendant un certain nombre d’années. »

Sortant de son silence, M. Barroso s’est dit victime d’une « attaque politique » sur Twitter. « Nous avons durci nos règles, portant à trois ans la durée pendant laquelle les anciens présidents [ne peuvent pas faire de lobbying pour la Commission]. Nos règles sont parmi les plus strictes au monde ! », a protesté pour sa part Margaritis Schinas, le chef des porte-parole de M. Juncker.

L’entourage de M. Juncker – qui avait tardé à réagir quand M. Barroso était passé chez Goldman Sachs – accepte mal d’être davantage questionné sur ses pratiques que des institutions nationales aux agissements pas forcément plus vertueux. Sommé de répondre à la médiatrice avant juin, Jean-Claude Juncker va aussi devoir affronter un vote en plénière au Parlement européen, en avril, sur la nomination de son bras droit, Martin Selmayr. La pression ne risque pas de retomber.