Jessy Tremoulière ballon en main, à Colwyn Bay, vendredi 16 mars. / PAUL ELLIS / AFP

Il fallait aller loin pour le chercher, ce Grand Chelem. Jusque sur les rivages de Colwyn Bay, station balnéaire aux confins septentrionaux du pays de Galles. C’est donc là, sur la pelouse tôt abîmée de l’Eirias Park, que les joueuses du XV de France ont remporté cette édition du Tournoi des six nations. Cinquième victoire sur cinq possibles cette année, après un ultime succès face aux Galloises 38 à 3.

Le décor, deux petites tribunes sans prétention et une piste d’athlétisme, est à l’initiative des organisateurs gallois. De cette sortie en bord de mer, les Françaises retiendront surtout l’obtention de leur cinquième Grand Chelem, après ceux de 2002, 2004, 2005 et 2016. Ce succès confirme les courbes inverses du rugby français, par contraste avec la dernière performance similaire des garçons (attendus samedi dans le monumental Millennium de Cardiff), en 2010.

Mais assez parlé de dates : ce nouveau succès des féminines marque surtout « la récompense du travail » fourni, selon les mots de Gaëlle Hermet, troisième-ligne et capitaine. Un travail commun de plusieurs mois pour certaines, plusieurs années pour d’autres, qui ont surtout bénéficié d’une montée en puissance depuis la Coupe du monde 2014, organisée à domicile.

« Welsh Army »

Cette année-là, les Françaises terminaient à la troisième place de l’événement, mais gagnaient la bataille de la réputation : record d’audiences à la télévision et hausse sensible des vocations. En 2017, la Fédération française de rugby recensait près de 19 000 licenciées. Soit davantage qu’au pays de Galles (11 000), en Irlande (10 500), en Italie (7 400) et en Ecosse (4 800), selon les décomptes de World Rugby, la fédération internationale. Seules l’Angleterre (28 000) fait davantage, comme chez les hommes.

Ce vendredi soir, les éclairages de l’Eirias Park et une pluie continue ont fait fuir les mouettes. Sous la tribune principale, quelques spectateurs ont fait le déplacement vêtus en conséquence : bérets bleus et drapeaux sur les épaules pour les parents de Milena Soloch, remplaçante ce soir. A côté d’eux, d’autres parents. Le peu de supporteurs français a réussi à se faire entendre à coups d’« Alles les Bleus », déclinaison cocardière du « Go Wales » à intervalles très espacés.

Malgré la présence de gardes de la « Welsh Army », tunique rouge et bonnet noir au moment des hymnes, les Françaises ont imposé leur propre tempo : deux essais au bout de la 12e minute de jeu, l’un par Pauline Bourdon après une belle percée de Cyrielle Banet, l’autre par Caroline Drouin. Logique, pour la troisième nation mondiale chez les féminines, au regard du classement mensuel de World Rugby.

A Colwyn Bay, juste avant le coup d’envoi, vendredi 16 mars. / PAUL ELLIS / AFP

La Coupe du monde pour horizon

Côté spectateurs, les Françaises ont également dominé cette année 2018. Le précédent match du Tournoi, il y a une semaine à Grenoble contre l’Angleterre, attirait plus de 17 740 spectateurs au stade des Alpes : un record mondial pour un match de rugby féminin, dépassant de quelques centaines de places la finale Coupe du monde 2017 entre Anglaises et Néo-Zélandaises, à Belfast.

La Coupe du monde, cet horizon indépassable : six fois sur huit la France a fini sur le podium, mais jamais encore en finale. Preuve que le niveau européen a très vite ses limites et que la principale adversité, outre celle des Anglaises, se situe dans le Pacifique. La tendance pourrait aller s’amplifiant. Déjà cinq fois championnes du monde, les quinzistes néo-zélandaises viennent d’apprendre une bonne nouvelle cette semaine : pour la première fois de leur histoire, elles auront le droit à un salaire pour jouer au rugby.

En France, la question du professionnalisme se pose. Seules les joueuses de l’équipe nationale de rugby à 7, variante éligible aux Jeux olympiques, ont pour l’instant le droit à des rémunérations.