A Strasbourg, en janvier 2017. / PATRICK HERTZOG / AFP

Et la gagnante est… Strasbourg ! Ce vendredi 16 mars, les adhérents de la Fédération des usagers de la bicyclette (FUB), réunis en congrès à l’Ecole normale supérieure de Lyon, découvrent le palmarès des villes les plus « cyclables ». A l’automne 2017, dans toute la France, 113 000 personnes ont répondu en ligne à une trentaine de questions afin de décrire la pratique du vélo dans leur commune. L’opération s’inspire d’une étude similaire réalisée en Allemagne par l’homologue de la FUB, tous les deux ans depuis 1998.

Les données récoltées, classées, triées par critère, ont permis à la fédération pro-vélo d’établir un palmarès, une sorte de « grand prix du public » des villes où il est le plus facile de se déplacer à bicyclette. C’est donc Strasbourg qui obtient la meilleure note (4,1/6) dans la catégorie des agglomérations de plus de 200 000 habitants, suivie de Nantes (3,7) et Bordeaux (3,5). Parmi les communes de 100 000 à 200 000 habitants, Grenoble (3,9) est lauréate. La Rochelle (Charente-Maritime, 3,8), Illkirch-Graffenstaden (Bas-Rhin, 3,9) et Sceaux (Hauts-de-Seine, 4/6) l’emportent dans les catégories des cités moins peuplées.

Ce baromètre des villes cyclables est l’enquête la plus aboutie jamais réalisée en France sur la pratique du vélo. A Paris, 7 600 personnes y ont répondu ; 4 700 à Lyon, 4 100 à Toulouse et 3 000 à Grenoble, où près de 2 % de la population ont pris la peine de s’exprimer. Ce sondage grandeur nature, qui suscite l’intérêt des chercheurs spécialisés en mobilité, a impressionné jusqu’au cabinet de la ministre des transports Elisabeth Borne, prompte à vanter le vélo comme un « transport du quotidien ».

Réduire l’espace de la voiture

Dans la liste des villes récompensées, on retrouve, sans surprise, celles qui ont fourni le plus d’efforts depuis des années, voire des décennies, pour développer ce mode de déplacement et, parallèlement, limiter l’espace octroyé à la voiture. A Strasbourg, les majorités municipales qui se sont succédé depuis les années 1970 ont, droite et gauche confondues, multiplié les aménagements – elle dispose aujourd’hui de l’un des plus importants réseaux cyclables d’Europe –, œuvré pour apaiser la circulation motorisée, posé des arceaux de stationnement en centre-ville ou à proximité de la gare et des stations de tramway. L’actuelle équipe, menée par Roland Ries (PS), cherche à limiter la part de diesel dans la logistique urbaine et présente les livraisons par des vélos cargos (dotés d’un bac) comme l’une des solutions.

Nantes, qui a accueilli le congrès mondial Vélo-city en 2015, continue de réduire l’espace de la voiture au profit des transports publics et du vélo. A Bordeaux, celui-ci fait partie des attributs du mode de vie citadin vanté par le maire Alain Juppé (LR). Son homologue de Grenoble, Eric Piolle (EELV), qui se déplace à bicyclette à assistance électrique dans la métropole, met en place des « autoroutes à vélos » balisées et séparées du reste de la circulation.

C’est à La Rochelle que furent proposés dès 1976 les premiers deux-roues en libre-service de France, les « vélos jaunes » du maire d’alors, Michel Crépeau.

Située dans la petite couronne parisienne, Sceaux s’est montrée pionnière dans l’installation des double sens cyclables, qui permettent aux cyclistes d’emprunter les rues secondaires en sens interdit, et des « tourne à droite », qui les autorisent à passer au feu rouge à condition de laisser la priorité aux piétons.

Marseille, Villejuif, parmi les plus mal notées

L’enquête fait apparaître une géographie du vélo. Plusieurs villes de l’ouest (Rennes, Angers, Lorient, Caen), du piémont alpin (Chambéry, Annecy) ou de la plaine d’Alsace (Sélestat, Colmar, Mulhouse) figurent parmi les mieux classées. En revanche, le pourtour méditerranéen se distingue par ses réticences manifestes à la bicyclette. Marseille (2/6), Nice (2,6), Toulon (2,5) ou Béziers (2,2) enregistrent en effet les pires notes, comme certaines communes autour de Paris : Neuilly-sur-Seine (2,2), Villejuif (2,2) ou Aubervilliers (2,1). Avec une note de 3,2, Paris obtient un résultat assez moyen, supérieur à celui de Toulouse (3) ou Montpellier (2,7), mais inférieur à la note de Lyon (3,3) ou Lille (3,3).

Au-delà du score brut, les élus locaux et les militants associatifs, ainsi que la presse régionale, regarderont avec attention les notes obtenues pour chacun des aspects. « Le baromètre doit contribuer à l’émergence d’une science cyclable. Il permettra aux municipalités de construire des aménagements selon des critères précis, et non au doigt mouillé », commente Olivier Schneider, président de la FUB.

Bordeaux, Lyon, Dijon et Mulhouse, qui disposent toutes de systèmes en libre-service, sont considérées comme les villes où il est le plus facile de louer une bicyclette. Strasbourg, Chambéry ou la bien nommée La Flèche (Sarthe) se distinguent grâce à leurs panneaux de signalisation pour les cyclistes. Quelques communes de la petite couronne parisienne – Aulnay-sous-Bois, Rueil-Malmaison ou Fontenay-sous-Bois –, obtiennent des scores remarquables en matière de stationnement du vélo à proximité de la gare.

Les performances détaillées de Paris seront observées avec attention par la municipalité qui a placé la transition écologique au cœur de son mandat. La capitale obtient de mauvaises notes en matière de cohabitation avec les véhicules motorisés, notamment pour leur stationnement récurrent sur les pistes cyclables, ou le manque de sécurité aux intersections. Les cyclistes parisiens reconnaissent en revanche les efforts de la capitale pour développer le vélo et vantent la facilité avec laquelle on peut en louer un. Il est vrai que l’enquête a été réalisée avant le fiasco du nouveau Vélib’.