Safi N'Diaye en août 2017 contre l’Irlande, à Dublin, lors de la Coupe du monde. / PAUL FAITH / AFP

Dans les locaux, une affiche d’Elton John côtoie celle de Lionel Richie, naguère en vedette à l’Eirias Park de Colwyn Bay. Deux petites tribunes en vis-à-vis, une piste d’athlétisme tout autour, et des mouettes volubiles juste au-dessus. La station balnéaire galloise et son stade de rugby s’apprêtent à accueillir une performance d’un autre genre : une victoire face aux Galloises, ce vendredi 16 mars (coup d’envoi à 19 heures), et les Françaises remporteraient le cinquième Grand Chelem de leur histoire dans le Tournoi des six nations.

Les féminines du XV de France, vainqueures 18-17 de l’Angleterre le week-end précédent, compteront une fois de plus sur leur meilleur atout : le jeu de passes pour faire vivre le ballon de main en main, plutôt que de longs coups de pied pour gagner du terrain ou viser des pénalités. « On aime jouer à la “baballe”, on aime le jeu de mouvement », rappelle à bon escient l’ailière Caroline Boujard.

L’ancienne joueuse Sandrine Agricole, toujours en survêtement bleu mais désormais comme kiné, évoque « un jeu beaucoup plus basé sur la vitesse ». D’autant que les joueuses ont souvent « un jeu au pied moins long » que celui des hommes, concède Caroline Boujard.

Vingt pénalités en 30 matchs au Mondial

Jeudi après-midi, veille de match. Olivier Lièvremont s’attarde sur le terrain avec les préposées aux pénalités. « Elles connaissent leurs distances, je pense que Jessy [Trémoulière] peut buter jusqu’à 45 mètres », précise l’entraîneur. Qui souligne l’importance de travailler ce secteur : « Les récentes finalistes de la Coupe du monde, ça reste quand même les deux équipes qui jouaient le mieux au pied. » En l’occurrence, les Anglaises et les Néo-Zélandaises.

La Coupe du monde 2017 en Irlande, justement, laisse entrevoir la marge de progression pour toutes les équipes. En 30 matchs, seulement 20 pénalités inscrites avec un taux de 69 % de réussite ; 122 essais transformés (sur 247 possibles, soit 49 %), et aucun drop.

Un bilan comptable légèrement différent de celui observés chez les hommes lors du Mondial 2015. Attention, nouvelle énumération chiffrée : sur 48 matchs, 227 pénalités inscrites (avec un taux de 78 % de réussite) ; 194 essais transformés (soit 71 % de taux de conversion), et 8 drops.

« On travaille de plus en plus le jeu au pied »

« Le jeu au pied chez les féminines est moins puissant, mais avec elles, le ballon se déplace très souvent plus vite à la main qu’au pied », estime Samuel Cherouk, l’autre entraîneur des Bleues. Même les vice-championnes du monde anglaises, pourtant adroites dans l’exercice, ont privilégié le jeu rapide à la main lorsqu’elles bénéficiaient d’une pénalité à jouer – en moyenne 18 pénalités jouées à la main à chaque match.

Le recours au pied serait-il inexistant chez les féminines ? « Faux ! », réplique Sandrine Agricole. Il s’observe surtout dans des actions de jeu plutôt que sur des phases arrêtées de pénalités. « Cette année, pour le premier match du Tournoi, on a vu la France marquer un essai sur une passe au pied, rappelle-t-elle. On a aussi vu une équipe d’Angleterre balader la France en première période, il y a une semaine, avec un très bon jeu au pied de son ouvreuse. »

L’Eirias Park de Colwyn Bay, le 15 mars. / Le Monde.fr

A côté de la pelouse principale, Samuel Cherouk regarde ses joueuses s’entraîner à la touche sur un terrain synthétique couvert. « Comme le lancer en touche, le jeu au pied se travaille, suppose une automatisation des gestes. » De l’acquis, bien plus que de l’inné. « On le voit dans les cours de récréation, les petits garçons ont les ballons de foot, les filles restent trop souvent sur le bord », regrette l’entraîneur.

« On travaille maintenant de plus en plus le jeu au pied », apprécie Caroline Boujard, qui espère, avec un nouveau Grand Chelem, donner envie aux jeunes filles de se rapprocher des ballons. De rugby, si possible.