Bruno Le Maire (à droite sur la photo), lors du G20 des ministres des finances, à Washington, le 12 octobre 2017. / ANDREW CABALLERO-REYNOLDS / AFP

C’est devenu la règle depuis l’élection de Donald Trump, il y a maintenant dix-huit mois. L’ombre du président américain plane sur toutes les réunions internationales, même quand il n’y participe pas. La rencontre des ministres des finances des pays du G20 à Buenos Aires, lundi 19 et mardi 20 mars, ne fera pas exception.

La taxation du numérique, la régulation financière et les cryptomonnaies figurent bien au menu des discussions, comme prévu depuis des semaines. Mais, une fois de plus, les débats au sein de ce club des principales économies de la planète seront largement consacrés aux frictions commerciales. Des tensions ravivées par la décision de Washington d’imposer des taxes sur les importations américaines d’acier et d’aluminium, une menace justifiée par des impératifs de sécurité nationale.

La réunion de Buenos Aires aurait pu se dérouler sous le signe de l’optimisme : jamais, depuis 2011, l’économie mondiale ne s’était si bien portée. Selon les dernières prévisions de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), publiées mardi 13 mars, la croissance mondiale devrait frôler les 4 % cette année. Mais cet élan serait fragilisé en cas de montée du protectionnisme, « un risque important pour la confiance, l’investissement et les emplois », met en garde l’organisation.

Désamorcer les tensions ?

Cette antienne est reprise à l’envi par les grandes organisations internationales. Dans un post de blog publié jeudi, la directrice générale du Fonds monétaire international (FMI), Christine Lagarde, exhorte les dirigeants à privilégier la voie du dialogue et de la coopération. « L’histoire économique montre clairement que les guerres commerciales, non seulement nuisent à la croissance mondiale, mais encore sont toujours perdues d’avance », écrit la Française, dans une allusion à peine voilée aux récents propos de M. Trump, qui affirmait que « les guerres commerciales sont bonnes et faciles à gagner ».

Le sommet argentin peut-il contribuer à désamorcer les tensions ? Les Américains seront représentés par le secrétaire d’Etat au Trésor, Steven Mnuchin. Cet ancien de la banque Goldman Sachs passe plutôt pour un modéré mais ne possède pas de vraie compétence sur le commerce. « Nous aurons des échanges sur le sujet, mais le G20 n’est pas une instance de décision, c’est un forum d’échanges et de coopération », souligne Pierre Moscovici, le commissaire européen aux affaires économiques.

Sur la forme, les participants devront tâcher de s’entendre sur un communiqué final : une déclaration qui donne l’impression d’un semblant d’unité sur l’importance de la coopération internationale. Mais les mots valent ce qu’ils valent. Le compromis scellé au sommet de Hambourg (Allemagne), en juillet, par les dirigeants du G20 – y compris M. Trump – affirmait la détermination de tous à combattre le protectionnisme. Un langage qui n’a pas dissuadé l’administration américaine de lancer son épreuve de force.

Le « problème » chinois

Sur le fond, la réunion des grands argentiers sera l’occasion de confronter les points de vue et d’affûter les lignes de défense. Pour les Européens, « l’essentiel est que notre réponse soit ferme et unie », insiste une source proche des travaux préparatoires. Bruxelles est engagée dans des négociations marathon pour convaincre la Maison Blanche de l’épargner comme elle l’a fait avec le Canada, le Mexique et l’Australie, exemptés des taxes. De premières réunions entre la Commission européenne et l’administration américaine n’ont pas apporté de clarté. Une nouvelle rencontre est prévue dans les jours qui viennent entre la commissaire au commerce, Cecilia Malmström, et son homologue américain, Wilbur Ross.

« Nous ne souhaitons pas l’escalade, mais si les solutions concertées ne fonctionnent pas, nos contre-mesures sont prêtes », avertit M. Moscovici. A Buenos Aires, les Européens devraient ainsi répéter qu’ils disposent d’une liste d’exportations américaines prêtes à être taxées s’ils ne bénéficient pas d’exemption. Et rappeler qu’il ne fait guère de sens de les viser : partenaires proches des Etats-Unis sur la sécurité, ils partagent, de surcroît, les vues américaines sur le problème mondial des surcapacités dans l’acier. Un problème dont le principal responsable est la Chine et qui, selon l’Europe, doit être traité dans un cadre global.

Une solution serait d’intensifier les travaux au sein du Forum mondial sur les surcapacités dans l’acier. Une enceinte créée en 2016 pour coopérer sur cette problématique, mais dont les résultats sont jugés trop lents. Quoi qu’il en soit, l’étau se resserre désormais autour de la Chine, jusqu’ici peu concernée par les menaces américaines de droits de douane sur l’acier, puisque le pays n’est qu’un fournisseur marginal des Etats-Unis.

Un haut responsable du Trésor américain faisait part, jeudi, du souhait des Etat-Unis de mobiliser leurs partenaires du G20 à Buenos Aires contre « le problème » des pratiques commerciales chinoises. A Washington, des mesures sont en préparation pour taxer lourdement les importations en provenance de la Chine.